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Un génocide au Darfour ?
Jens Meierhenrich, professeur de sciences politiques à Harvard
Darfour : "Par manque de preuves d'un génocide, la CPI apparaîtrait très affaiblie"
LEMONDE.FR | 17.07.08 | Extrait
Sur quels fondements légaux peut-on établir une inculpation de génocide ?
La structure légale du crime de génocide, établie avec la Convention sur le génocide de 1948, permet d'inculper des individus responsables d'actes très spécifiques. C'est donc toujours très problématique de définir un conflit dans son intégralité comme génocide. Par ailleurs, pour pouvoir inculper quelqu'un pour génocide, il faut prouver deux choses. Il faut non seulement prouver que l'individu a commis des crimes mais également qu'il les a commis avec l'intention malveillante de détruire un groupe national, ethnique ou religieux : c'est ce qu'on appelle le mens rea. Les actes ne suffisent pas à suggérer qu'un génocide a été commis, et c'est souvent là que les activistes et militants des droits de l'homme se trompent.
Comment cette intention génocidaire pourrait-elle être démontrée dans le cas du Darfour ?
Dans le cas du Rwanda, des listes de morts, qui incluaient les noms des victimes tutsies, étaient dressées. Elles ont permis de prouver l'intention génocidaire. Dans le cas de l'Holocauste, les nazis gardaient de nombreux dossiers qui ont permis de conclure au génocide. Mais même dans ces cas-là, le problème de l'authentification des documents s'est posé. Par ailleurs, il y a un problème supplémentaire au Soudan : des individus comme M. Bachir prennent toutes les précautions possibles pour ne pas être directement impliqués dans des crimes. C'est pourquoi établir le mens rea est si difficile. Le contexte dans lequel ont lieu ces crimes, ainsi que leur ampleur, peuvent servir à déduire l'intention génocidaire mais le mens rea reste l'élément indispensable pour une telle inculpation.