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Le monde salue la mémoire de Soljenitsyne
MOSCOU (AFP) - Les hommages ont afflué lundi au lendemain du décès de l'écrivain russe Alexandre Soljenitsyne, un des "plus grands penseurs du XXe siècle", "pourfendeur" du totalitarisme, qui défia le pouvoir soviétique en dénonçant l'horreur du Goulag.
Le prix Nobel de littérature, malade depuis plusieurs années, est décédé à l'âge de 89 ans dimanche peu avant minuit (20h00 GMT) à son domicile de Moscou, laissant derrière lui une oeuvre monumentale, de "L'Archipel du goulag"au "Pavillon des Cancéreux".
L'écrivain, qui était profondément attaché à la religion orthodoxe, sera inhumé mercredi au cimetière du monastère Donskoï à Moscou. Mardi, le public pourra se recueillir devant sa dépouille mortelle à l'Académie des Sciences.
Le jour de sa mort, il travaillait, comme d'habitude, sur une édition complète de ses oeuvres, y apportant des corrections, a témoigné son fils Stepan Soljenitsyne à l'AFP. Malgré la maladie, "il était toujours capable de travailler chaque jour et il avait toute sa tête tout ce temps-là".
"Tout sera fait conformément à sa volonté. Il voulait mourir en été, il est mort en été, il voulait mourir chez lui, il est mort chez lui", a déclaré son épouse Natalia. "Il a vécu une vie difficile, mais heureuse", a-t-elle ajouté.
Alexandre Soljenitsyne a narré au monde la réalité du système concentrationnaire soviétique dans "Une journée d'Ivan Denissovitch", "Le Premier cercle" ou "L'Archipel du Goulag", à partir de sa propre expérience des camps et de témoignages de prisonniers.
Né le 11 décembre 1918 dans le Caucase, il fut condamné à huit ans de camp en 1945 pour avoir critiqué les compétences militaires de Staline dans une lettre à un ami.
Après sa libération, il enchaîna les ouvrages sur le Goulag, d'abord publics sous Nikita Khrouchtchev, puis clandestins. Prix Nobel de littérature en 1970, il fut privé de sa citoyenneté soviétique en 1974 et expulsé d'URSS. Il a alors vécu en Allemagne, en Suisse puis aux Etats-Unis, avant de revenir en Russie, en 1994, après la chute de l'URSS.
Donnant le ton de l'hommage officiel russe, le Premier ministre Vladimir Poutine, ex-président et ex-officier du KGB, a qualifié sa disparition de "grande perte pour toute la Russie", sans s'étendre sur les crimes qu'il avait dénoncés.
Réagissant quelques heures plus tard, le président Dmitri Medvedev l'a dépeint comme "un des plus importants penseurs, écrivains et humanistes du XXe siècle".
Alexandre Soljenitsyne, grand défenseur des valeurs morales traditionnelles, avait lui-même souvent critiqué l'évolution de la Russie mais approuvait M. Poutine, qu'il avait reçu à plusieurs reprises dans sa datcha, pour son rôle dans la "reconstruction" du pays.
L'ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a salué un "homme au destin unique" qui fut l'un des premiers à fustiger "à voix haute le caractère inhumain du régime stalinien".
A l'étranger, le président français, Nicolas Sarkozy, a rendu hommage à "une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle" et la chancelière allemande Angela Merkel à "un moraliste, un combattant de l'arbitraire qui n'avait pas peur et qui s'est engagé pour les droits de l'Homme".
Les défenseurs des droits de l'Homme russes ont souligné l'importance de son travail de mémoire, dans un pays qui peine encore à se pencher sur son passé, et ont appelé à suivre son exemple pour créer une société plus libre en Russie.
Alexandre Soljenitsyne a "montré qu'on pouvait résister au régime et survivre", a relevé le directeur de l'ONG "Pour les droits de l'Homme" Lev Ponomarev.
Elena Bonner, veuve du prix Nobel de la paix Andreï Sakharov, a néanmoins regretté ses relations avec Vladimir Poutine qui, selon elle, "jettent une ombre sur sa vie".
Mais, si, pour ceux qui ont connu les affres du régime soviétique, Alexandre Soljenitsyne a joué un rôle-clé dans la dénonciation du système concentrationnaire, les jeunes Russes ont accueilli dans une indifférence quasi-générale l'annonce de sa mort.