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« On pare au plus pressé », analyse Jérôme Fourquet
PARIS (Reuters) - En se posant comme le "Capitaine courage" dans la tempête financière, Nicolas Sarkozy épouse les attentes inquiètes des Français tout en éclipsant opportunément sous un discours sans fard ses promesses sur le pouvoir d'achat, estiment des analystes.
Entre la "vérité nue" de Toulon et le branle-bas de combat à l'Elysée, où les réunions s'enchaînent depuis lundi face aux risques de contagion en Europe, le président français a opéré un changement de stratégie qui vise, sur le court terme, à rassurer l'opinion publique tout en écartant, sur le long terme, d'éventuels obstacles à ses orientations néo-colbertistes.
"Dans la tempête, il dit 'Je suis avec vous et je tiens'. La vocation et la force de son discours sont plus d'ordre symbolique et psychologique que d'efficacité économique", relève Stéphane Rozès, directeur général de l'institut CSA, dans un entretien avec Reuters.
"C'est une nouvelle façon d'habiter la fonction de président, en prenant un peu plus de gravité après la phase 'bling bling' de superficialité, d'activisme débridé", note pour sa part Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l'Ifop.
Puisant dans le lexique du souverainiste Henri Guaino, cette parole inédite aux intonations gaulliennes, qui n'hésite pas à dramatiser - Nicolas Sarkozy a parlé de "récession" en France - pour anticiper une amplification de la crise, se heurte toutefois à un écueil de taille : la faiblesse des marges de manoeuvre budgétaires d'un Etat qui se veut pourtant interventionniste et sur-protecteur.
"Les Français ne sont pas dupes, ils savent que Nicolas Sarkozy n'a pas de baguette magique pour les préserver des troubles et des turbulences qui secouent la planète financière, mais ils ne lui pardonneraient pas de ne pas essayer", poursuit Jérôme Fourquet.
"Tout ça, c'est de l'image, de la posture, du discours, mais le verbe est important en politique", souligne-t-il.
Car de l'avis même de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, "personne ne sait véritablement ce qui va se passer".
"DEPLACEMENT DES LIGNES"
Selon un sondage CSA réalisé le 26 septembre, au lendemain du discours de Toulon, 51% des Français ne font "plutôt pas confiance" à Nicolas Sarkozy pour "réduire l'impact de la crise financière en France" (contre 47%).
"Les Français attendent avant tout de lui une action politique. Il ne serait pas compris qu'il se réfugie dans une déclaration d'incapacité à agir ou dans la passivité", explique à Reuters François Miquet-Marty, directeur de Viavoice.
Cette inflexion de circonstance, ce volontarisme nouvelle manière, suffiraient-ils à "amortir" une dégradation aiguë de la conjoncture ?
"On pare au plus pressé", analyse Jérôme Fourquet.
L'Elysée a annoncé mardi que le gouvernement préparait de "nouvelles dispositions" s'agissant du financement de l'économie par le système bancaire.
Si la situation venait à s'aggraver, Nicolas Sarkozy n'hésiterait pas à jouer de nouveau les "sauveurs de la Nation" en rééditant le scénario Alstom, lorsque, ministre de l'Economie, il avait fait racheter 22% du groupe industriel par l'Etat.
"On vient de voir des nationalisations partielles en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis pour sauver des établissements bancaires", rappelle Jérôme Fourquet.
"Nicolas Sarkozy n'est pas un doctrinaire, il revient dans une tradition nationale social-étatique. Sa crainte est que l'antilibéralisme sur lequel il surfe ne se transforme en anti-capitalisme", juge Stéphane Rozès.
"Mais à partir du moment où il a préempté le terrain, il coupe l'herbe sous le pied à toute alternative" politique, observe-t-il.
Le calcul répond à la volonté du chef de l'Etat de garder la maîtrise politique de l'agenda, même si l'imprévisible prédomine dans les soubresauts actuels, mais aussi d'esquiver la question lancinante du pouvoir d'achat qui, faute de résultats, entame sa crédibilité.
"C'est un déplacement des lignes. Le pouvoir d'achat était la thématique dominante depuis la campagne présidentielle, là on est sur tout à fait autre chose", précise François Miquet-Marty.
"Les marges de manoeuvre se restreignant, Nicolas Sarkozy fait passer implicitement le message que la question du pouvoir d'achat n'est peut-être plus la priorité", acquiesce Stéphane Rozès.