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Les nouvelles tribus du Net
NDLR : Vacances. Depuis début juin, ceux qui suivent ce blog ont pu s'apercevoir que je prenais moins de notes. J'attendais l'audience de ce 9 juillet tout en m'amusant un peu plus avec mes boites, mes caisses, mon fer à souder, mon marteau et quelques claviers. A ne pas louper, il traine déjà dans mon séjour : le mythique Elektor de juillet-août.
Reportage
Les nouvelles tribus du Net
LE MONDE | 08.07.09 | 15h37 • Mis à jour le 08.07.09 | 18h52, extraits
VIENNE (AUTRICHE) ET VITRY-SUR-SEINE (VAL-DE-MARNE) ENVOYÉ SPÉCIAL
Un long bâtiment gris, dans une rue tranquille du centre de Vienne, près de l'hôtel de ville. Les fenêtres de l'entresol sont éclairées en permanence, car le Metalab, principal "hacker space" de la capitale autrichienne, est ouvert nuit et jour. Dès l'entrée de ce club d'informaticiens libertaires, le ton est donné : la cabine téléphonique a une allure très ordinaire, mais elle permet de téléphoner gratuitement dans le monde entier, car elle est connectée à un serveur informatique qui transmet les communications via Internet.
[...] Dans un coin, Mika, consultant en sécurité informatique, est venu aider un jeune hacker à déverrouiller un iPhone pour y installer des logiciels non homologués par Apple : téléphonie gratuite via Internet pour court-circuiter l'opérateur GSM, et cryptage des conversations pour empêcher toute interception. Au fond du couloir, la petite bibliothèque est occupée par deux étudiants très bruyants, qui fabriquent un jeu de guerre pour mobiles.
[...] Une autre grande salle abrite l'atelier, plein à craquer : établis, caisses à outils, pièces détachées en vrac, ordinateurs éventrés... Ici, les hackers viennent construire leurs propres machines électroniques.
[...] Le Metalab est aussi devenu le point d'ancrage de plusieurs groupes techno-politiques, qui ne possèdent pas leurs propres locaux. C'est ici que se réunissent chaque semaine les militants de l'association FunkFeuer ("balise"), qui ont entrepris de construire dans le centre de Vienne un méga-réseau Wi-Fi, gratuit, crypté et autogéré.
Des lieux semblables au Metalab apparaissent sur tous les continents. Jusqu'au début des années 2000, les hackers étaient des loups solitaires, qui communiquaient par Internet et se rencontraient de temps à autre, lors de conférences et de festivals. Les clubs possédant leurs propres locaux étaient rares, concentrés dans quelques villes universitaires aux Etats-Unis et en Allemagne, avec le célèbre Chaos Computer Club. Mais la nouvelle génération, plus conviviale, a redécouvert le plaisir de vivre en tribu, et de travailler ensemble autour d'une même table.
Les fondateurs du Metalab ont ouvert un site Internet, baptisé Hackerspaces.org, qui s'est imposé comme le point de rendez-vous virtuel du mouvement à l'échelle mondiale. Selon Astera, qui participe à la gestion du site, on compte aujourd'hui près de 200 hacker spaces actifs dans une cinquantaine de pays, et environ 170 en cours d'installation ou en projet.
[...] Le tmp/lab de Vitry a présenté plusieurs projets. Le plus spectaculaire est sans doute celui de N., génial créateur du "routeur Hadopi" : "L'expression a été inventée par des blogueurs qui ont imaginé le concept. Nous l'avons réalisé."
La loi Hadopi, qui instaure un système de surveillance et de répression des internautes téléchargeant des fichiers audio et vidéo illicites, est bien sûr l'ennemie numéro un des hackers. N., qui a travaillé quelque temps chez un fabricant de routeurs, a écrit avec quelques amis un programme capable de transformer un PC équipé d'un boîtier Wi-Fi ordinaire en arme offensive : "Il repère les réseaux Wi-Fi du voisinage, puis se met à craquer tous leurs mots de passe. Dès que nous avons les clés, nous pouvons créer un point d'accès virtuel", c'est-à-dire utiliser la connexion Internet du voisin à son insu.
[...] Le "routeur Hadopi" permet aussi de surveiller ce que font les utilisateurs des réseaux "craqués", mais V., qui a travaillé sur le projet avec N., nie toute intention malfaisante : "Nous voulons seulement publier notre logiciel, et faire comprendre à tout le monde que les données techniques utilisées par l'Hadopi pour accuser les gens ne seront pas fiables. Grâce à nous, les juges ne pourront pas dire qu'ils n'étaient pas au courant."