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« Pas en mon nom »
«Un intellectuel épris du pouvoir n'en sera plus un»
Philippe Bilger - Blogueur associé | Lundi 03 Août 2009 à 15:49 | Lu 5713 fois, sur Marianne2, extrait
Un intellectuel a-t-il le droit de s'exprimer sur tout, même sur ce qu'il ne connaît pas? Devant les réactions autour de l'affaire Fofana et de ses suites, Philippe Bilger s'interroge. Et pose le problème, plus large, de la posture des intellectuels face au pouvoir.
Il ne faudrait pas que le silence sur l’affaire Fofana et ses suites me soit rendu trop insupportable par ceux qui continuent d’écrire et de parler comme s’ils les connaissaient. Ainsi, Alexandre Adler, un grand esprit pourtant, qui dans sa chronique du Figaro croit être habilité à nous dire « ce que révèle l’affaire Fofana ». D’emblée, une erreur grave. Adler affirme que Fofana aurait « peut-être pu être condamné plus lourdement » si on avait tenu compte de son comportement et de ses propos à l’audience. Or Fofana a été condamné à la peine maximale et à la mesure de sûreté la plus longue que la loi permettait au regard des crimes qui lui étaient reprochés. Une telle inexactitude manifeste qu’on veut faire passer ce qu’on pense avant ce qu’on a l’obligation de savoir. L’intellectuel a-t-il par principe le droit de s’exprimer sur tout ? Et même dans son champ de compétence ! [...] L’artiste, l’intellectuel. Au fond, il y a une solitude de l’un quand l’autre n’a pas le droit de penser sans avoir tous les hommes dans sa tête.
Société, 03/08/2009 à 06h52, Libé, extraits
Pas en mon nom
Par VANESSA RATIGNIER journaliste
Lu la semaine dernière dans le Nouvel Obs : Me Francis Szpiner, pénaliste de renom qui représente la famille Halimi dans le procès Fofana, qualifie Philippe Bilger, l’avocat général, de «traître héréditaire». J’ai du mal comprendre. Alors, je relis. Et je m’étrangle. Une seconde fois.
La première fois, c’était en découvrant l’interview accordée à Mediapart le 17 juillet par Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Répondant à une question sur le «passé trouble» du père de Philippe Bilger, Richard Prasquier répondait qu’il ne voulait pas «s’exprimer sur [son] passé collaborationniste». Et déjà, lecture et relecture. Richard Prasquier aurait pu s’indigner, refuser de s’engager sur ce terrain-là et centrer sa réponse sur les réels enjeux de l’affaire. Mais non. Il a choisi cette réponse. Dire une telle chose, quand bien même il précise ne pas vouloir en parler, c’est déjà le faire.
Je m’étais alors réjouie que personne n’ait relayé ces propos. Je m’en étais réjouie, et en même temps j’en étais désolée. Personne n’avait réagi. Comme si ça n’avait rien de choquant. Pourtant, de si viles attaques ont de quoi scandaliser. Depuis quand les fils doivent-ils expier les fautes de leur père ?
Richard Prasquier, pourtant, n’est pas n’importe qui. C’est le président du Crif.
[...] Déjà, en décembre 2008, quand j’avais entendu Richard Prasquier affirmer que «95 % de la communauté juive de France [était] en accord avec la politique d’Israël et avec ce [qu’entreprenait] son armée», j’avais bondi. Ainsi donc, contrairement à mes convictions, je soutenais la guerre menée contre Gaza ? Enfin, guerre, lui-même n’osait prononcer le mot. Pourtant, c’est bien de cela dont il s’agissait. Une guerre préparée depuis plusieurs mois. On s’appropriait ma voix. Pourtant, je n’ai pas bougé.
J’ai à nouveau tressailli quand, il y a quinze jours, Richard Prasquier affirmait que «le Crif [attendait] le verdict [dans le procès Fofana] avec inquiétude», redoutant «l’absence d’exemplarité dans les peines requises envers les inculpés». Il a d’ailleurs écrit à Michelle Alliot-Marie, ministre de la Justice, pour s’étonner du réquisitoire de Philippe Bilger, qualifié d’«indulgent».