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La plupart des plaintes contre des magistrats sont jugées irrecevables
NDLR : « Faites appel », nous lance-t-on encore
DROIT DE SUITE.
La plupart des plaintes contre des magistrats sont jugées irrecevables.
Archives, version papier, la Croix, 5/7/11 - 00 H 00 mis à jour le 25/7/11 - 00 H 00
Depuis six mois, les justiciables peuvent saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour contester le comportement d'un magistrat à leur égard. Ces saisines de citoyens n'ont pour l'instant donné lieu à aucune sanction disciplinaire.
Est-ce juste un début difficile ou une réforme inutile ? Difficile de le dire. Une chose est sûre : ceux qui voyaient dans la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par les citoyens une vraie révolution dans le monde judiciaire se trompaient. Très attendue depuis le fiasco judiciaire d'Outreau, cette réforme ne devrait pas donner lieu à une mise en cause fréquente de magistrats comme certains observateurs le redoutaient. En effet, si le CSM croule sous les saisines, moins de dix pourraient mettre en jeu leur responsabilité. Pour l'heure, aucune sanction disciplinaire n'a été prononcée.
« Nous recevons en moyenne 80 courriers par mois , recense le bâtonnier Christophe Ricour, responsable d'une des commissions chargées des plaintes au sein du CSM. Dans l'immense majorité des cas, les requêtes s'avèrent irrecevables. La plupart du temps, les justiciables ne démontrent pas le comportement coupable du magistrat. » Par ailleurs, les justiciables méconnaissent souvent le délai imparti pour saisir le CSM (un an à compter du prononcé de la décision de justice).
Le principal motif d'irrecevabilité trouve son origine ailleurs. Le plus souvent, les citoyens contestent la décision même de justice prononcée à leur égard et non le comportement du magistrat. « Ils prennent le CSM pour un troisième degré de juridiction, déplore le magistrat Christophe Vivet, responsable de la seconde commission de filtrage. Ils contestent la décision, et donc le magistrat qui l'a prise, mais sans que ce dernier ait quoi que ce soit à se reprocher. » La majorité des justiciables n'a visiblement pas pris acte que seule la conduite répréhensible du juge (discrimination, partialité, violence, escroquerie, etc.) pouvait ouvrir la voie à une sanction. Les jugements, eux, ne peuvent être contestés que devant une autre juridiction, en appel.
L'écart important entre, d'un côté, le nombre de saisines et, de l'autre, l'absence de sanctions prononcées par le CSM risque d'alimenter davantage le ressentiment d'une partie de la population à l'égard des magistrats. Un paradoxe, quand on sait que cette réforme avait précisément pour vocation de rapprocher les citoyens de leur justice. L'ancien président de la commission Outreau, le député de l'Isère André Vallini (PS), en est conscient : « Peut-être que cela alimentera un rejet plus fort encore de la justice, mais je continue à croire que cette réforme était fondée et légitime. »
Les plus critiques verront dans le faible nombre de plaintes recevables la marque d'un fort corporatisme, oubliant au passage que le CSM, qui vient d'être réformé, comprend désormais une majorité de personnalités extérieures à la magistrature. Ainsi, les commissions de filtrage sont composées de deux magistrats et de deux non-magistrats (1). Christophe Vivet voit, lui, dans ce premier bilan la preuve du « comportement globalement irréprochable » de ses collègues. « Ne déplorons pas qu'il y ait très peu de poursuites et que les juges fassent plutôt bien leur travail, conclut André Vallini. C'est l'inverse qui serait choquant. »
(1) Les voix des deux non-magistrats suffisent à permettre la recevabilité de la saisine.
BOETON Marie
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