« L'USM et le SM, on été reçus par Vincent Lamanda | Miss France déboutée face à Choc » |
Le coût de la fraude à la TVA en Europe
ESCROQUERIE.
Une gigantesque fraude à la TVA démantelée
mardi 04 mars 2008 | Le Parisien
Une quinzaine de personnes, dont le cerveau présumé, ont été mises en examen après la découverte d'une énorme arnaque à la TVA qui aurait coûté au moins 100 millions d'euros. La plus importante affaire de ce type jamais vue en France.
LE PREJUDICE est estimé à au moins 100 millions d'euros et réévalué chaque semaine. Un record en France pour ce type d'arnaque. Selon nos informations, la brigade de recherches de gendarmerie de Paris s'apprête à clore un dossier tentaculaire de fraude à la TVA demeuré confidentiel jusqu'ici.
Dans le cadre d'une instruction menée par Roger Le Loire, juge au pôle financier, une quinzaine de personnes ont d'ores et déjà été mises en examen pour des faits d'« escroquerie en bande organisée ». Parmi elles, figure le cerveau présumé de cette affaire, Avi Rebibo, un Franco-Israélien de 38 ans (lire ci-dessous). Cette fraude, appelée « carrousel à la TVA », consistait à faire circuler de grandes quantités de téléphones portables en ne déclarant pas la TVA à l'Etat français. Ce subterfuge aurait débuté en 2001.
« Le commerce des portables était encore un marché d'équipements (...). Il y avait une forte demande »
Selon les investigations réalisées, Avi Rebibo gérait Eurocanyon, une société luxembourgeoise spécialisée dans la téléphonie mobile. Eurocanyon achetait tout à fait légalement sa marchandise hors taxes en Grande-Bretagne, puis revendait les portables sans marge à de présumées sociétés écrans ou taxis. Ces dernières, qui oubliaient volontairement de déclarer la TVA, écoulaient leur matériel à un prix plus bas que le marché auprès d'une cinquantaine d'entreprises baptisées « blanc-bleu » en raison de leurs pratiques limites. Enfin, les sociétés « blanc-bleu » proposaient les lots de téléphones au fournisseur britannique. La boucle était bouclée. Les portables pouvaient refaire un tour de manège.
L'argent gagné sur la TVA aurait été sorti du système, sans doute par un jeu de virements entre comptes ouverts à l'étranger. Ce système du carrousel - complexe mais très lucratif - s'accompagne généralement de doubles facturations. « Au début des années 2000, le commerce des portables était encore un marché d'équipements. Beaucoup de personnes achetaient leur premier appareil. Il y avait une forte demande », note un spécialiste.
« Mon client n'a jamais violé la loi »
L'accusation reproche à Avi Rebibo d'avoir eu la mainmise sur les sociétés taxis ou « péteuses de TVA ». Un point que récuse fermement Me Sylvain Maier, le conseil du chef d'entreprise. « M. Rebibo a été victime de ses clients qui n'ont pas déclaré la TVA. Il n'a jamais violé la loi, mais comme il séjournait en Israël, les gérants des sociétés mises en cause l'ont accusé », déclare l'avocat. Sous le coup de deux mandats de recherche, Avi Rebibo s'est présenté à sa convocation en début d'année, a été placé en détention provisoire le 21 janvier puis mis en examen.
Ce matin, à Bruxelles, les ministres européens des Finances se rencontreront pour réfléchir aux moyens légaux pour lutter contre cette fraude. Quelque 100 milliards d'euros dont 17 milliards en Allemagne, 14 milliards au Royaume-Uni et au moins 8 milliards en France : c'est ce que coûterait chaque année la fraude à la TVA en Europe, selon une estimation provisoire de la Commission européenne réalisée en 2001.
La Croix, 01/03/2007
La fraude aux prélèvements obligatoires, une fatalité ?
Dans un rapport rendu public jeudi 1er mars, la Cour des comptes estime que la fraude aux impôts et aux cotisations sociales représente entre 29 et 40 milliards d'euros par an, soit près de l'équivalent du déficit public
Les chiffres donnent le vertige. Selon un rapport rendu public jeudi 1er mars par le Conseil des prélèvements obligatoires, structure rattachée à Cour des comptes, le montant cumulé de la fraude fiscale et de la fraude aux cotisations sociales atteindrait chaque année en France entre 29 et 40 milliards d’euros.
Une estimation qui se situe, précise le document, dans une « fourchette basse », mais qui représente malgré tout entre 1,7 % et 2,3 % du produit intérieur brut (PI, soit quasiment l’équivalent du déficit public, péniblement ramené l’an dernier à environ 2,6 % du PIB.
Pour la Cour des comptes, plusieurs dérives sont particulièrement préoccupantes, à commencer par le recours accru au travail dissimulé, qu’il s’agisse de la non-déclaration, de la sous-déclaration du travail ou de l’utilisation de la fausse sous-traitance.
Autre phénomène : le développement d’une fraude à caractère transnational. Il peut s’agir de passer par « des pays à fiscalité privilégiée pour dissimuler des revenus ». Il peut aussi et surtout s’agir de détourner la législation européenne en matière de TVA, suivant le système dit de « carrousel » : « Un des opérateurs facture de la TVA puis “disparaît” sans l’acquitter tout en permettant à un autre opérateur de la récupérer. Ce type de fraude implique l’utilisation de fausses factures et concerne le plus souvent la vente de marchandises de faible volume à forte valeur ajoutée, comme les composants électroniques ou les téléphones portables », précise le rapport.
Dans certains pays, plus de 10 % des recettes de TVA
Ces dernières années, ce phénomène s’est rapidement développé à l’échelon communautaire, au point de représenter dans certains pays membres plus de 10 % des recettes nettes de TVA, selon des données avancées en 2004 par la Commission européenne.
Troisième tendance, enfin, l’utilisation de nouvelles technologies qui facilitent la triche. La Cour des comptes note ainsi que certaines applications informatiques offrent aux entreprises une souplesse dans l’écriture comptable et peuvent, le cas échéant, « redonner de la cohérence a posteriori à une comptabilité qui en était dépourvue ». De même, « le développement du commerce électronique et des échanges dématérialisés rend de plus en plus complexes l’application des règles fiscales traditionnelles, ainsi que le suivi des opérations et des opérateurs par les services de contrôle ».
Face à ce triple défi, la Cour des comptes émet une série de 27 recommandations. Pour autant, insiste son premier président, Philippe Séguin, « il n’est pas nécessaire de bouleverser l’organisation actuelle du contrôle en France ».
"Trop d’impôt tue l’impôt"
Mieux : selon lui, l’ampleur de la fraude « ne permet pas de penser qu’il y aurait là un véritable gisement de recettes potentielles pour les pouvoirs publics ». Pourquoi ? Parce que, s’agissant par exemple du travail au noir, la mise au jour de la fraude entraîne le plus souvent la cessation totale de l’activité et donc l’évaporation immédiate de rentrées fiscales potentielles… De même, dans le cas de fraudes à l’impôt sur les sociétés, un redressement trop sévère est susceptible d’hypothéquer la survie de l’entreprise.
La solution, à en croire Marc Touati, président de l’Association pour la connaissance et le dynamisme économique, consiste à baisser la pression fiscale. « Trop d’impôt tue l’impôt », dit-il, reprenant la formule de l’économiste américain Arthur Laffer. « Si on diminue les charges et impôts, le travail dissimulé recule, car les employeurs se disent que le jeu n’en vaut pas la chandelle », veut-il croire.
« Il faudrait aussi stabiliser l’impôt et faire en sorte qu’il ne soit plus obscurci par des centaines d’exceptions et autres niches fiscales qui poussent les contribuables dans une logique d’optimisation et facilitent la fraude », souligne pour sa part le sénateur UDF de la Mayenne Jean Arthuis.
"Si la volonté politique et les moyens suivaient..."
Peut-être serait-il nécessaire, aussi, de cibler différemment les contrôles. « Régulièrement, des artisans, des patrons de PME viennent me montrer les notifications de redressement qu’ils ont reçues, confie le sénateur UMP de l’Oise Philippe Marini. Il faut voir les moyens humains déployés par l’administration pour des enjeux financiers de l’ordre de quelques milliers, voire de quelques centaines d’euros. »
À l’évidence, il serait illusoire de penser que la fraude puisse entièrement disparaître un jour. Néanmoins, pour Vincent Drezet, à la tête du Syndicat national unifié des impôts (Snui), on a jusqu’ici « négligé » ce phénomène, qui selon lui représenterait entre 41 et 52 milliards d’euros pour les seuls impôts d’État et impôts locaux.
« Lutter contre la fraude fiscale et sociale offre un moyen – parmi d’autres – de corriger le déséquilibre des comptes publics. Les contrôles permettent de récupérer chaque année de 10 à 12 milliards d’euros. Si la volonté politique et les moyens suivaient, il serait sans doute possible de faire entrer dans les caisses plusieurs milliards de plus », dit-il, agacé de voir le gouvernement privilégier, pour limiter le déficit, les réductions d’effectifs. "Ca pourrait nuire à l’attractivité économique du pays"
À la direction générale des impôts, cette stratégie est contre-productive, soutient Vincent Drezet. « La grande majorité des 5 000 postes supprimés en l’espace de quatre ans concernent la gestion, le contrôle et le recouvrement de l’impôt », déplore-t-il, tout en évoquant certaines consignes à ses yeux « contestables ».
« On déploie des moyens colossaux pour contrôler les salariés ainsi que les retraités. Et on lève le pied s’agissant du suivi de l’impôt sur les sociétés. Lorsqu’un agent se rend dans une entreprise et y décèle des anomalies, celle-ci a tout intérêt à effectuer une déclaration rectificative, qui ouvre droit à une remise sur une partie des intérêts de retard. L’agent étant noté en fonction du nombre de contrôles et non de leur qualité, il est encouragé à refermer le dossier et à passer à l’entreprise suivante », explique le secrétaire national du Snui.
Depuis des années, la Commission européenne s’alarme du niveau de la fraude, rappelle-t-il, « mais les États ne semblent pas pressés de s’y attaquer. Car, à défaut d’harmonisation communautaire, soumettre les entreprises à des contrôles trop rigoureux pourrait nuire à l’attractivité économique du pays. »