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Curieusement, la fugue ne susciterait aucun intérêt
FAMILLE.
Il n'y a jamais eu autant d'adolescents en fugue
vendredi 28 mars 2008 | Le Parisien
Le nombre d'adolescents en fugue ne cesse d'augmenter en France. L'an dernier, 45 000 jeunes ont fui le domicile parental ou le foyer d'accueil. Un phénomène tabou qui plonge les familles dans un grand désarroi. Les associations alertent !
ÇA VA de la porte qui claque pour quelques jours... à la disparition qui s'éternise et plonge les parents dans l'angoisse. En France, l'an dernier, près de 45 000 fugues d'adolescents ont été enregistrées.
Sans compter toutes celles qui ne sont pas signalées. Or ce chiffre déjà fou ne cesse d'augmenter dans l'indifférence quasi générale, comme en témoigne l'équipe de SOS Enfants disparus* qui organise aujourd'hui à Paris un colloque sur ce thème. « Le nombre de fugues chez les 13-17 ans explose de 10 % chaque année », se désole Arnauld Gruselle, directeur de la Fondation pour l'enfance à l'origine de ce dispositif d'aide aux parents, créé en 2004. « Ça devient presque aussi important que la maltraitance. Mais curieusement, la fugue ne suscite aucun intérêt. Elle est considérée comme un symptôme, pas comme une mise en danger...Alors qu'un ado à la rue est un enfant en danger. »
Pendant un an, un groupe de travail constitué de spécialistes (juriste, psychologue, commissaire...) a planché sur des solutions, qui seront soumises à la nouvelle secrétaire d'Etat chargée de la Famille, Nadine Morano. Que ce soit pour les « fugues du bout de la rue », ses SOS brefs et qui ne se renouvellent pas forcément, ou pour les fugues à répétition qui mènent à l'errance, le constat est inquiétant : les fugueurs sont de plus en plus jeunes, souvent plus proches de 15 ans que de 17 ans.
Epauler la famille
Et tout reste à imaginer pour prévenir leur geste, les prendre en charge durant leur escapade ou éviter la récidive en épaulant toute la famille au retour du fugueur. Les structures exemplaires, comme Paris Ados services (lire page 3), se comptent sur les doigts de la main. « Il faudrait développer les possibilités d'accueil temporaires pour les jeunes », conclut le groupe de travail. « Mais aussi créer des réseaux spécial fugues dans chaque département, ouvrir une ligne d'écoute téléphonique pour les fugueurs, et même mieux accueillir leurs parents au commissariat... »
Numéro Azur SOS Enfants disparus : 0810.012.014. Coût d'un appel local, du lundi au samedi de 9 heures à 12 heures.
FAMILLE
« J'aimerais lui dire combien on a envie qu'elle revienne »
vendredi 28 mars 2008, 5h00 | leparisien, extrait
THIERRY GAUTIER, papa de Cécile, 17 ans, qui n'est pas rentrée chez elle depuis quatre mois
ELLE A FÊTÉ SES 17 ANS il y a dix jours... A-t-elle soufflé ses bougies entourée d'amis ? Recluse dans un trou paumé, triste, amaigrie ? « On ne sait vraiment pas où elle est, soupire Thierry Gautier, son père, prof de musique à Toulon (Var). Jusqu'à il y a quelques jours, on s'est imaginé le pire.
Et le pire est atrocement douloureux pour des parents qui aiment leur fille. »
FAMILLE
« J'ai besoin de réfléchir » Nadia, 15 ans et demi
vendredi 28 mars 2008, 7h26 | leparisien.fr
Nadia, 15 ans et demi, est hébergée depuis vendredi à Paris Ados services
C'EST MARDI MATIN que Sonia, 16 ans, a sonné au lieu d'accueil de Paris Ados services - une adresse que lui a donnée sa soeur aînée, aujourd'hui en foyer - la seule structure de ce type en région parisienne qui possède dix lits pour accueillir les fugueurs, leur permettre de se poser, d'examiner la situation avec des éducateurs et un psychologue. « J'ai décidé de partir. Je ne pouvais plus rester avec ma mère alcoolique qui n'est jamais dans son état normal », lâche-t-elle froidement.
Quelques minutes plus tard, cette jeune fille brune, hébergée depuis trois jours par l'association, finit par livrer une partie de son histoire, tissée de violences familiales : « Ma mère m'a virée lundi soir. Mais je lui ai demandé de rester une dernière nuit pour être à l'abri. J'avais déjà pensé venir ici, il y a quinze jours, mais j'avais honte parce que j'avais les lèvres enflées, suite aux coups donnés par mon père. Trois jours plus tard, ma mère m'a frappée aussi. »
« Ma mère ne me supporte plus »
« Gérant de société, enfin, je sais pas », son père, d'origine nord-africaine, est revenu au domicile familial « il y a trois semaines ». Cet homme reproche à sa fille, actuellement en troisième, de « sortir avec un Noir ». Quant à sa mère, qui a rencontré l'éducatrice au siège de l'association, « elle a dit, raconte Sonia qui a deux frères et deux soeurs : C'est mieux qu'elle parte. De toute façon, c'est aussi ce que je veux, même si j'aime ma mère. C'est elle qui m'a mise au monde, mais elle ne peut pas assumer ses enfants. » Directeur de Paris Ados services, dont huit lits sont occupés en moyenne en permanence, Jean-François Vaisse conclut : « Faire rentrer Sonia chez ses parents reviendrait à la mettre en danger. » C'est pourquoi la jeune fille, aux boucles d'oreilles en forme de coeur, a été placée hier soir dans un foyer.
Nadia, sa copine d'infortune, aura partagé la chambre de Sonia deux nuits à l'association où les jeunes ne restent généralement pas plus d'une semaine. Le temps de trouver une solution : retour chez les parents ou placement judiciaire. Agée de 15 ans et demi, Nadia, polo gris, jean bleu, devrait, si tout va bien, rentrer lundi chez sa mère. En pleine crise d'adolescence, elle a débarqué vendredi à l'association avec sa mère et son beau-père ! C'est la conseillère principale d'éducation du collège - où « je fiche le bordel », reconnaît l'intéressée - qui leur a donné les coordonnées de Paris Ados services. « La majorité des fugueurs connaissent notre adresse par le bouche-à-oreille, constate Jean-François Vaisse, ou par les assistantes sociales. »
« Ma mère ne me supporte plus », estime Nadia avant d'expliquer vaguement « être rentrée tard jeudi soir ». A quelle heure ? « 3 heures. On est sortis avec des filles et des garçons du quartier dans un bâtiment où nous avons fumé du shit... Mais je ne suis pas une droguée : j'en ai fumé que deux fois. On m'a engrainée, euh... entraînée ! » Aujourd'hui, après plusieurs entretiens avec deux éducateurs, que souhaite la jeune fugueuse qui a eu aussi de « grosses disputes » avec son père « à cause de (sa) belle-mère » ? « J'ai besoin de réfléchir encore, répond-elle tête baissée. Mais je crois que je veux rentrer chez ma mère qui me manque un petit peu, même si elle me téléphone tous les soirs. »