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Hormones de croissance : la colère fait déraper les familles pendant le procès
PARIS (AFP) - Le tribunal correctionnel de Paris a pris cette semaine des allures de chapelle ardente avec le témoignage des familles des victimes de l'hormone de croissance, que la douleur fait parfois déraper vers le lynchage verbal des prévenus, au mépris de la présomption d'innocence.
Après sept semaines d'un défilé d'experts, le tribunal a abandonné son ambiance de congrès médical pour sombrer dans l'émotion, l'immense salle du palais de justice résonnant des sanglots des parents, frères ou soeurs des victimes, qui détaillent le calvaire de ces jeunes, morts à petit feu de la maladie de Creutzfeldt-Jakob pour avoir été traités enfants à l'hormone infectée.
Les vies brisées, les projets de mariage envolés, les études interrompues, les "galères matérielles", "la maison transformée en hôpital", la lente dégénérescence physique de ces jeunes sont évoquées en termes quasi-identiques par des parents qui ont soigneusement rédigé leur intervention, aboutissement d'années d'attente de ce procès.
Mais lorsque la douleur vire à la colère, le respect de la présomption d'innocence vole parfois en éclats.
"Regardez M. Job votre travail. Je ne sais même pas pourquoi je vous dis Monsieur", accuse un père en brandissant la photo de son fils Mikaël malade sous les yeux de l'ancien président de l'association France Hypophyse, Jean-Claude Job.
Le vieillard de 85 ans, qui a "demandé pardon" à la première famille à déposer, se tait désormais devant ces accès de haine.
"Je vous souhaite de vivre le plus longtemps possible pour garder la mémoire de tous ces visages", lui lance le père d'Emmanuelle, avant de le traiter d'"assassin".
A cette insulte, l'avocate du pédiatre, Me Daphné Bes de Berq, se lève et en appelle aux magistrats: "il y a des limites à ne pas dépasser dans un tribunal. Nous sommes là pour juger", proteste-t-elle, sous une bronca des familles de victimes.
Mais le président Olivier Perrusset reste de marbre. "Vous avez terminé monsieur ?", demande-t-il au témoin, avant d'appeler le suivant.
A l'issue de l'audience jeudi, l'avocate ira le voir pour demander un peu de retenue dans les témoignages des parties civiles. Et le lendemain, le président leur demandera d'éviter "autant que possible les propos polémiques ou les insultes".
Derrière la violence du ressentiment des familles, transparaissent les regrets d'avoir soumis leurs enfants, pour gagner quelques centimètres, à un traitement qui s'est avéré mortel.
"Aujourd'hui, mes parents s'en veulent énormément", articule avec difficulté le jeune Laurent sur son lit d'hôpital, dans un documentaire de France 3, projeté vendredi au tribunal, qui retrace ses derniers mois jusqu'à sa mort en 2005.
"Pourquoi lui ai-je ôté la vie ? Mon fils est mort pour rien", se lamente à la barre sa mère.
Celle de Jean-Philippe se rappelle qu'il "n'aimait pas ce traitement". "Il se révoltait. Il disait au pédiatre: toi aussi, tu es petit et c'est pas grave". Aux trois injections hebdomadaires, "il y allait, pour nous faire plaisir presque", dit sa soeur Nathalie.
Abandonner le traitement ? :"on nous disait: votre gamin, il va vous le reprocher plus tard", se défend la mère.
Le père de Mikaël s'en veut aussi: "si seulement j'avais été au courant de ces risques, je lui aurais appris à gérer sa petite taille".
"Je suis coupable d'avoir cru ces savants. Je suis coupable d'un excès de confiance, de crédulité," dit la mère de Benoît. "Il a toujours été petit mais il le vivait bien", regrette-t-elle.