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Au nom du bien-être de l'enfant, un père est autorisé à ne pas voir son fils
Compte rendu
Allemagne : au nom du bien-être de l'enfant, un père est autorisé à ne pas voir son fils
LE MONDE | 03.04.08
Peut-on forcer un père à voir son enfant ? Dans une décision rendue mardi 1er avril, la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a donné raison à un homme qui refusait de rencontrer son fils, né hors mariage, âgé de 9 ans, considérant qu'une visite obligatoire porte atteinte aux droits de la personnalité du père et qu'elle ne sert pas en règle générale le bien-être de l'enfant. "L'enfant se retrouve dans une situation (...) où il doit ressentir qu'il est rejeté en tant que personne par l'un de ses parents. (...) Il y a un grand risque que son amour-propre en souffre", notent les juges. En même temps, ils n'excluent pas que, dans certains cas, l'Etat puisse contraindre un père à voir son enfant dans la mesure où cela contribue au bien-être de l'enfant.
Dirk B., un homme marié, père d'un enfant né en 1999 à la suite d'une liaison, avait saisi la cour de Karlsruhe pour faire annuler la décision d'un tribunal du Brandebourg qui lui avait ordonné en 2004 de voir son fils tous les trois mois en présence d'un assistant social. En cas de refus, il risquait une amende pouvant s'élever jusqu'à 25 000 euros.
Depuis la naissance de son fils, ce père verse une pension alimentaire à la mère mais refuse de voir l'enfant pour ne pas mettre en péril son mariage. Selon l'avocate du plaignant, Heike Hase, il aurait toujours dit à son ex-maîtresse qu'il n'avait aucunement l'intention de quitter sa femme et qu'il ne souhaitait pas avoir d'enfant. La cour de Karlsruhe n'a pas retenu cet argument mais celui du bien-être de l'enfant. A travers cette affaire, "les juges ont mis l'accent sur les droits de l'enfant", explique Dieter Schwab, un spécialiste du droit familial. "L'enfant a sa propre dignité et ses propres droits", peut-on lire dans la décision.
Les droits de l'enfant ne figurent pas explicitement dans la Constitution allemande. En décembre 2007, le Parti social-démocrate (SPD) avait réclamé l'ajout d'un texte sur les droits de l'enfant dans la Loi fondamentale allemande en réaction aux nombreuses affaires de maltraitance. L'Union chrétienne-démocrate (CDU) avait refusé cette proposition, craignant qu'elle n'affaiblisse les droits des parents vis-à-vis de l'Etat.
La ministre fédérale de la justice, Brigitte Zypries (SPD), a salué la décision de Karlsruhe : "Elle montre que le bien-être de l'enfant se trouve au premier plan." A ses yeux, cette décision va dans le sens d'un projet de loi actuellement en préparation qui doit permettre aux tribunaux d'intervenir plus tôt au sein des familles en difficulté.
Cette décision ne règle pas le problème inverse, celui d'un enfant qui refuse de voir son père. "Dans ce cas, les tribunaux ont plutôt tendance à forcer la mère à imposer à son enfant une visite du père", souligne M. Schwab. Il espère que cette décision va relancer la discussion. Cette affaire contraste avec les nombreux cas de pères qui se battent devant les tribunaux pour obtenir un droit de visite. En Allemagne, un enfant sur sept grandit avec un seul parent.