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Intervention sociale, prévention et contrôle social
A Utrecht, les ultrasons des Mosquito tiennent les adolescents à distance d'un quartier "difficile"
LE MONDE | 12.04.08
Depuis quelques mois, Hussein, 17 ans, évite la Spaaklaan, la Stanleylaan et les avenues proches de Kanaaleiland, un quartier réputé "à problèmes" d'Utrecht, aux Pays-Bas. Ce jeune Néerlandais d'origine marocaine ne connaît ni les pères de l'Europe ni les explorateurs de l'Afrique centrale qui ont donné leurs noms à ces artères. Mais il sait pertinemment que c'est là que la mairie a fait installer treize Mosquito. Des boîtiers qui ressemblent à des enceintes acoustiques mais n'émettent que des ultrasons d'une fréquence supérieure à 8 000 Hz.
Ils sont inaudibles pour toute personne âgée de plus de 25 ans. Hussein, lui, affirme qu'il ne tient pas plus d'une minute lorsqu'il passe à côté. Il a toutefois téléchargé la mélopée des Mosquito sur son téléphone portable pour se livrer, à l'école, à des concours de sonnerie qui échappent aux professeurs, sourds aux ultrasons.
"On n'installe pas de gaîté de coeur ce type d'appareils, mais cela semble avoir des effets positifs", affirme Pluup Bataille, porte-parole de la mairie, dirigée par une coalition de centre gauche qui regroupe quatre partis. Confrontés à une petite délinquance qui a crû de 23 % entre 2004 et 2006, les responsables municipaux ont lancé une campagne intitulée "Utrecht sûre". Un plan "vigoureux et social", affirme M. Bataille.
RASSEMBLEMENTS INTERDITS
Ce dispositif implique la police, les services sociaux, les offices HLM, les directions d'école, diverses associations, des médecins, et même la Fondation Johan-Cruyff, du nom de l'ancienne vedette de l'Ajax Amsterdam. Incluant des projets de réhabilitation de logements, de mise au travail et d'occupation par le sport et la musique, le plan comporte aussi des "mesures physiques" : amélioration de l'éclairage public, placement de chicanes pour éviter les rodéos automobiles, installation de caméras... et de Mosquito.
Coût total : 5 millions d'euros, pour enrayer l'augmentation des cambriolages, du vandalisme et de la "gêne" causée par les bandes d'adolescents. Un "noyau dur" d'une quarantaine de meneurs et un "groupe à risques" de 200 à 400 personnes, selon le district de police. Un rapport d'un inspecteur principal évoque "les conversations bruyantes, les cris, les excès de vitesse, les intimidations, les menaces, les entraves à l'accès des immeubles, les insultes, les injures à agents".
Tout en installant des Mosquito, les autorités ont décidé d'interdire officiellement tout rassemblement de jeunes gens "difficiles". La mesure est assortie de lourdes sanctions : 15 jours de travail d'intérêt général ou une amende de 200 euros à la première infraction. Une possible mise en détention dès la deuxième.
"Les politiques stigmatisent le quartier, mais c'est nous, nos enfants et les vôtres qui, ensuite, assumeront les conséquences", affirme un fidèle à la sortie de la prière du vendredi, à la mosquée de la fédération islamique marocaine. En réponse, la mairie sort ses chiffres : 65 % des 16 000 habitants de Kanaaleiland - qui compte 70 % de non-Européens - affirment avoir été "ennuyés" par des adolescents, pour 22 % dans le reste de la ville. Et 60 % d'entre eux disent s'être sentis, un jour, en insécurité, soit deux fois plus que les autres habitants. La police soutient, elle, que grâce au plan "Utrecht sûre", la criminalité a reculé depuis quelques mois.