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Rares voix en Egypte pour dénoncer l'emprisonnement de séropositifs
LE CAIRE (AFP) - Rare voix dans le désert, l'acteur Amr Waked crie au scandale que des séropositifs aient été jetés en Egypte en prison comme homosexuels "débauchés".
"Insensé qu'on puisse faire cela dans notre pays !", affirme à l'AFP ce jeune comédien à la carrière internationale qui s'était attiré les foudres des "politiquement corrects" pour avoir osé tourner en compagnie d'Israéliens.
Avec un autre jeune acteur, Khaled Aboul Naga, récemment nommé Ambassadeur de bonne volonté de l'UNICEF, il s'est engagé pour que l'Egypte regarde en face le fléau du sida.
"Il faut que cesse un amalgame absurde, stigmatisant et contraire à la lutte contre le sida", dit-il, conscient d'incarner une nouvelle génération désireuse d'en finir avec tous les tabous, du sexe à la politique.
La semaine dernière, ce sont cinq homosexuels, dont quatre séropositifs, qui ont été condamnés par un tribunal du Caire à des peines de trois ans de prison pour "débauche".
"Trois ont éclaté en larmes, et les deux autres étaient tétanisés", raconte à l'AFP Hossam Bahgat, directeur de l'ONG, Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR), l'une des rares à se mobiliser dans ce domaine.
Selon un article de la Loi n°10 de 1961, sont visés par le terme de "débauche" des prostitués homosexuels, ce que les condamnés n'ont pas admis. L'homosexualité n'est officiellement pas considérée comme un délit.
Sitôt arrêtés, la police les a forcés à subir des tests du sida, révélant pour certains une séropositivité. Ils avaient alors été enchaînés à des lits d'hopitaux avant de passer en jugement.
"Ils ont fait appel, mais restent en prison. Nous ignorons s'ils peuvent recevoir des soins", dit à l'AFP Wessam al-Beih, directrice Egypte du programme des Nations unies pour le sida (ONUSIDA).
Depuis octobre, sept autres homosexuels avaient été arrêtés, subissant ces tests VIH et des insultes, et avaient été menottés à des lits, indique Hossam Baghat. Trois ont été relâchés, et quatre condamnés à un an de prison.
Si la presse et la plupart des ONG locales ne s'en sont guère émues, 117 ONG de 41 pays, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont dénoncé les rafles et ces tests illégaux avec la complicité de médecins.
"A la différence d'autres affaires dans le passé, il ne semble pas qu'il s'agisse surtout d'une nouvelle attaque homophobe, mais plus d'une offensive anti-sida par des moyens sécuritaires", estime Bahgat.
En 2001, une rafle dans une discothèque arrimée à une corniche du Caire, le "Queen Boat", avait abouti à un procès contre 52 homosexuels. La moitié avaient été condamnés pour débauche et atteinte à l'islam.
Pour Amr Waked, "l'ignorance du sida reste abyssale avec le poids des préjugés religieux". "Ces condamnations auront pour effet de renforcer les préjugés tout en rendant plus difficile la prévention anti-sida", estime-t-il.
"Ces condamnations sont très préoccupantes, accréditant l'idée fausse que le sida n'est pas une maladie à traiter mais un crime à punir. Les gens auront peur de faire des tests volontaires" commente aussi Khaled Aboul Naga.
Interrogé par l'AFP sur le sida, Mohamed Saleh, un cheikh d'al-Azhar, la plus haute autorité islamique, n'hésite pas une seconde: "C'est une maladie envoyée par Allah pour punir les déviants sexuels !".
Pendant des années, les autorités ont nié, ou minoré à l'extrême, l'existence du sida en Egypte. Aujourd'hui encore, les estimations officielles n'ont pas fiabilité.
"La fourchette va de 2000 à 17.000 personnes vivant avec le virus, mais l'Egypte est un des pays à plus forte croissance du sida", estime Wessam el-Beih, indiquant que "80 % des femmes ont été contaminées par leur époux".
Pour Amr Waked, qui a joué dans le film "Aquarium" dans lequel la séropositivité hétérosexuelle est évoqué: "l'Egypte commence à bouger, toute une génération n'attend que cela".