« Une enseignante en voie de révocation | Le procureur de Boulogne-sur-Mer a mis en cause la surcharge de son parquet » |
Le procureur Lesigne se défend d'avoir manqué de rigueur
PARIS (AFP) - Le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Gérald Lesigne, s'est défendu lundi devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) des accusations de "manque de rigueur" dans le traitement de l'affaire de pédophilie d'Outreau, qui s'était soldé par un fiasco judiciaire.
Au premier jour d'une comparution prévue jusqu'à mercredi, voire jeudi, ce magistrat de 60 ans a dû notamment s'expliquer sur les deux mois écoulés entre les premiers signalements d'abus sexuels par les services sociaux en décembre 2000, et le placement en garde à vue en février 2001 des parents soupçonnés, Thierry et Myriam Delay.
Un délai susceptible, aux yeux de l'accusation, d'avoir permis aux suspects de coordonner leur défense et d'éliminer certaines preuves matérielles.
"Dire qu'il y a eu du retard, qu'on aurait pu faire plus vite, oui dans l'absolu, mais dans le concret, avec les moyens qui étaient les nôtres, je ne sais pas", a plaidé M. Lesigne, évoquant aussi la "grande souffrance" d'enquêteurs de police "surchargés" de travail.
Le procureur a expliqué que les cas de maltraitance d'enfants étaient très nombreux dans le ressort de sa juridiction, et le traitement en "urgence absolue" réservé aux mineurs "non protégés" de leurs parents.
Or à l'époque des premières dénonciations, a-t-il rappelé, les enfants Delay avaient été placés par les services sociaux.
M. Lesigne avait été renvoyé en 2006 devant l'organe disciplinaire des magistrats par le garde des Sceaux Pascal Clément, une décision qui visait aussi le juge d'instruction chargé de l'affaire, Fabrice Burgaud, dont le dossier est toujours en cours d'examen.
En saisissant le CSM, M. Clément avait ignoré l'avis de l'Inspection générale des services judiciaires, qui avait conclu peu auparavant qu'Outreau avait révélé "de très nombreuses insuffisances" de la part des magistrats, mais sans qu'il y ait pour autant matière à poursuite disciplinaire.
L'affaire d'Outreau s'est révélée être un désastre judiciaire -dont la Chancellerie voulait tirer les enseignements -, car lors du premier procès d'assises en mai 2004 les principales accusatrices, dont Myriam Delay, avaient avoué avoir menti en mettant en cause tout le monde.
Sept accusés soupçonnés d'avoir pris part à ce réseau de pédophilie avaient alors été acquittés, rejoints par six autres en décembre 2005, lors du procès en appel.
Les débats devant le CSM, dans les locaux de la Cour de cassation, ont mis en évidence que déjà en 1998 la famille Delay avait été à l'origine d'une dénonciation imaginaire d'abus sexuel, et il a été reproché à M. Lesigne "une absence de recherche de précédent" dans les archives du parquet.
Dans la liste des "griefs" lue à l'ouverture de l'audience par les deux "rapporteurs" du dossier, le procureur est également stigmatisé pour son "manque de rigueur" et pour avoir tenu le parquet général de Douai (Nord) insuffisamment informé du traitement de l'affaire.
En guise de toile de fond, M. Lesigne a détaillé la "charge de travail considérable" du parquet, avec tous les contentieux de stupéfiants, de contrebande (alcool, cigarettes) et d'immigration clandestine liés au trafic transmanche.
L'objectif d'atteindre l'Angleterre - via le centre de réfugiés de Sangatte (qui fermera fin 2002) - attirait alors "des milliers de personne dont certains ressortissants d'ethnies en conflit ce qui donnait lieu à de véritables combats", a expliqué M. Lesigne
L'audience se poursuivait en fin d'après-midi.