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Les prisons n'ont jamais été aussi surpeuplées
PARIS (AFP) - Les prisons françaises n'ont jamais été aussi remplies: avec 63.838 détenus recensés au 1er juin, la population carcérale bat un record datant de 2004, ce qui souligne l'urgence du problème du surpeuplement auquel le projet de loi pénitentiaire veut s'attaquer.
Ce chiffre annoncé vendredi par l'Administration pénitentiaire (AP) dépasse le précédent pic de juillet 2004 (63.652 détenus). On avait frôlé le record en mai avec 63.645 personnes incarcérées dans les quelque 200 prisons hexagonales.
Dans une tendance générale à la hausse, les grâces collectives du 14 juillet représentaient un répit saisonnier.
Mais dès son arrivée à l'Elysée en mai 2007, Nicolas Sarkozy a décidé de ne plus user de cette prérogative présidentielle qu'il a qualifiée de "bizarrerie de notre système juridique".
Selon les statistiques de l'AP, il y avait au 1er mai 50.746 places disponibles en prison. La densité carcérale atteint désormais près de 126%, largement au-dessus de la moyenne des Etats-membres du Conseil de l'Europe qui s'élève à 102%.
Près des deux tiers (63%) des établissements pénitentiaires sont en surpopulation et, parmi ceux-ci, 7% ont une densité de 200% avec en moyenne deux détenus pour une place.
Les établissements principalement touchés sont les maisons d'arrêt qui renferment les prévenus en détention provisoire dans l'attente de leur jugement et les condamnés à de courtes peines.
Il est fréquent d'y trouver des détenus dormant sur des matelas à même le sol. Selon Jean-François Forget, secrétaire général de l'Ufap, premier syndicat de surveillants, "on avoisine les 1.700 matelas par terre".
Les pouvoirs publics sont alertés depuis longtemps sur la situation par des syndicats et associations mais aussi par la justice.
Fin mars, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser 3.000 euros à un détenu pour "préjudice moral", en considérant qu'il avait été incarcéré "dans des conditions n'assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine". Cet homme avait passé quatre ans à la maison d'arrêt de Rouen en compagnie de deux co-détenus dans des cellules de 10,80 à 12,36 m2.
Son avocat, Me Etienne Noël, a dit s'attendre à une multiplication des plaintes car "il est très clair qu'on va vers un accroissement de la précarité en prison".
"Malgré l'abnégation des personnels, la situation est extrêmement tendue" avant même l'été, saison traditionnellement difficile dans les prisons, a insisté Jean-François Forget.
Le projet de loi pénitentiaire, transmis cette semaine au Conseil d'Etat et annoncé au Parlement avant la fin de l'année, a pour ambition de désengorger les prisons. L'idée, résumée par le porte-parole de la Chancellerie, Guillaume Didier, est de "développer les aménagements de peine", déjà en progression annuelle de 23%, et de miser sur les alternatives à l'incarcération, comme le bracelet électronique, pour les prévenus et les courtes peines.
M. Didier a rappelé qu'un programme de construction de prisons était lancé depuis 2002 pour atteindre un total de 63.500 places disponibles en 2012.
Des mesures clairement insuffisantes pour les professionnels. "C'est comme si on avait un grand portail pour faire rentrer d'un côté et une petite trappe pour faire sortir de l'autre", a estimé Martine Herzog-Evans, spécialiste du droit pénitentiaire et professeur de droit à l'université de Reims.
Pour Céline Verzeletti, de la CGT-pénitentiaire, "c'est toute la politique pénale qui est à revoir avec ses lois répressives qui s'enchaînent depuis des années".