« Le drame des « enfants réunionnais de la Creuse » face au mur de la justice | Le droit de grâce collectif du président de la République rétabli par le Sénat » |
Maltraitance d'enfants : dénoncer des abus fait parfois plus de mal, selon des experts
STRASBOURG (AFP) - Des spécialistes de l'enfance ont mis en garde contre les conséquences parfois désastreuses d'une dénonciation aux autorités dans les cas les moins graves d'abus sexuels et de maltraitance, lors d'un colloque médical vendredi à Strasbourg.
"Lorsqu'un tonton chatouille le zizi d'un enfant en âge préscolaire et que les faits ne se répètent pas, ça mérite un coup de gueule parce que c'est mal, mais pas d'être dénoncé dans l'heure au procureur de la République", a déclaré le psychanalyste belge Jean-Yves Hayez, professeur à l'Université de Louvain, lors des Journées nationales d'études des puéricultrices.
Lorsque des cas peu graves sont connus, l'universitaire préconise la fermeté contre l'auteur mais aussi la discrétion, reprochant aux institutions d'inciter les gens à trop faire confiance au droit pénal pour réparer le mal fait à un enfant, ce qui est une "illusion et une erreur".
Il a cité le cas d'un enfant qui avait d'abord accepté puis refusé, avec une certaine ambivalence, des jeux sexuels avec un camarade d'école. "Les parents ont porté plainte. Ca n'a servi à rien, au contraire: toute l'école était au courant et il s'est fait traiter de +pédé+ par les autres", a raconté le psychanalyste.
"Plus de la moitié des enfants qui ont révélé un abus sexuel regrettent de l'avoir fait", précise cet expert. Beaucoup des quelque 400 puéricultrices présentes au colloque ont exprimé ensuite leur préférence pour une gestion sans laxisme, mais discrète, des suites d'abus sexuels.
Parmi les victimes d'abus sexuels graves (viols, mutilations), 10% sont en âge préscolaire et les auteurs se répartissent équitablement dans toutes les couches de la société, "même si c'est plus facile d'obtenir les aveux d'un immigré alcoolique et au chômage que ceux d'un père riche et bien inséré dans la société", a dit le Pr Hayez.
D'après Delphine Coulon Barbe, puéricultrice chargée d'enseignement à la Haute école de santé de Genève, "de nombreuses recherches indiquent que les bébés sont beaucoup plus maltraités qu'on l'imagine".
La plupart des enfants victimes d'abus sexuels graves sont "psychotraumatisés", parfois pour de longues années, indique le psychanalyste belge. Une petite minorité d'entre eux sortent de l'épreuve "allumés sexuellement", d'autres, également en minorité, s'en tirent heureusement sans dommage.
Préventivement, il est essentiel d'apprendre aux enfants à dire +non+, à faire respecter leur corps, à avoir confiance en eux, selon les experts.
Après une plainte pour agressions sexuelles ou violences, les enfants sont accueillis et examinés dans les Unités Médico-Judiciaires (UMJ) par une équipe pluridisciplinaires qui comprend notamment une puéricultrice.
"Lors de l'examen d'une jeune fille, chaque geste est expliqué et pratiqué avec son consentement. L'examen peut être interrompu à tout moment", explique Patricia Vasseur, puéricultrice à l'UMJ de l'Hôpital Armand Trousseau, à Paris.
"Lors de l'agression, le corps de la victime a été considéré comme un objet et les gestes subis. Il est donc important que la victime comprenne l'intérêt de chaque geste et qu'elle coopère", poursuit-elle.
Pour les plus petits, "l'examen est rapide, il est réalisé de manière ludique avec l'aide d'une grenouille en peluche qui nous aide à détendre l'atmosphère et à expliquer la position gynécologique", indique encore Mme Vasseur.
L'Association nationales des puéricultrices diplômées (ANPDE), organisatrice de ces Journées, réunit 3.000 des 11.000 professionnelles en France.