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La justice vue par les mineurs délinquants
PARIS (AFP) - "Il ne faut pas être trop sévère la première fois": une enquête de la justice menée auprès de mineurs délinquants montre leur attente d'une sanction "proportionnée" à la gravité des actes commis et leur crainte d'être éloignés du milieu familial.
Cette étude auprès de 331 mineurs suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), que l'AFP a consultée, a été transmise au Groupe de travail sur une réforme de l'ordonnance de 1945: mis en place par la garde des Sceaux Rachida Dati, celui-ci a été critiqué vendredi par le Syndicat de la magistrature (SM) et deux syndicats d'éducateurs (CGT et SNPES).
Agés pour la plupart entre 16 et 18 ans, les mineurs interrogés sont censés être représentatifs des quelque 89.000 mineurs suivis chaque année par les éducateurs de la PJJ, un service qui dépend du ministère de la Justice.
Moins d'un tiers vivent chez leurs deux parents et six sur dix ne suivent plus de formation scolaire ou professionnelle. Quand on leur demande ce qu'est un mineur, certains répondent: "Un jeune qui vit un chamboulement, qui n'a rien dans la tête".
Près de la moitié des mineurs interrogés (45%) ont fait l'objet d'au moins trois procédures pénales, placement éducatif en foyer, réparation, contrôle judiciaire ou incarcération.
"Pour la très grande majorité des mineurs, l'office de la justice serait avant tout de sanctionner et de punir", la mission "préventive" et "éducative" n'étant citée que par une minorité, respectivement 81 et 49 des 331 mineurs sollicités.
"Quasi unanimement", ils insistent sur "le fait que la justice doit donner une réponse proportionnée à la gravité des actes commis". "Si c'est la première fois, on doit avertir (le mineur); s'il n'a pas compris, ça tombe", explique l'un d'eux.
"On nous présente souvent ces jeunes comme irrespectueux de tout. Or, ce n'est pas ce qui ressort. Ils ont une capacité à reconnaître l'autorité mais le travail avec eux demande du temps", commente la juge des enfants Hélène Franco, également dirigeante du SM.
Parmi les sanctions prononcées, celles impliquant une "séparation" avec le milieu familial, les amis, le quartier, sont le plus "dur à vivre": "Il y a une double peine: pour moi et pour mes parents", raconte un mineur.
"Je suis là pour en baver", confie le détenu d'un quartier mineur de maison d'arrêt. Les nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), au sein desquels les activités, scolaires notamment, sont obligatoires, ont une image plus négative que la maison d'arrêt où "au moins, je fais ce que je veux, je reste dans ma cellule si je veux".
"L'incarcération n'est pas la panacée" pour les mineurs mais "parfois ce peut être un passage obligé pour leur permettre de trouver leur place dans la société", estime le directeur de la PJJ, Philippe-Pierre Cabourdin.
La justice est critiquée par certains mineurs pour avoir trop tardé à réagir: "Il aurait fallu me placer plus tôt". Il peut aussi lui être reproché d'avoir prononcé trop vite une peine d'éloignement: "il n'avait pas le droit de me placer si petit".
La victime est "le seul acteur du procès pénal qui, au contraire du juge, du procureur ou de l'éducateur, se voit a priori massivement remis en cause, rejeté ou suspecté", relève enfin l'étude. "Je me suis excusé mais je ne regrette rien" ou "personne n'est mort, sauf les poubelles" affirment des mineurs.
"Il est important d'expliquer aux jeunes les décisions" judiciaires les concernant, en conclut l'éducateur Alain Dru, de la CGT-PJJ.