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Adoption : « nous ne devons plus laisser filer les situations », selon Nadine Morano
Nadine Morano veut augmenter le nombre d'enfants adoptables
La Croix, le 27/07/08, extrait
Comment comptez-vous procéder ?
Nous ne devons plus laisser filer les situations de délaissement parental. Regardez les chiffres : en 2006, sur 23 000 enfants placés après décision d’un juge, on a dénombré seulement 219 demandes de déclarations judiciaires d’abandon, soit moins de 1 % d’enfants adoptables. N’y a-t-il pas, parmi les milliers d’autres, des enfants dont le délaissement est avéré et qui seraient plus heureux dans une famille ? Il faut en tout cas en avoir le cœur net. C’est pourquoi dès la première année de placement, nous demanderons au travailleur social de dire si oui ou non, l’enfant est délaissé par ses parents. Pour cela, il doit être envisagé de modifier l’article 350 du code civil (NDLR : qui définit le délaissement). Par ailleurs, en accord avec Rachida Dati, nous souhaitons que les parquets puissent saisir le tribunal d’une demande de déclaration d’abandon.
Beaucoup de travailleurs sociaux appellent à la prudence, en rappelant l’importance du lien biologique…
Ce lien est évidemment primordial et il n’est pas question de lancer une procédure d’abandon quand le délaissement n’est pas avéré. Je rappelle qu’il n’y aura aucune automaticité. Mais il faut s’occuper du destin des enfants délaissés. Nous n’avons pas le droit de les laisser passer de famille d’accueil en famille d’accueil, car c’est leur vie entière que l’on fragilise. L’Insee a réalisé une étude qui révèle qu’un tiers des sans-abri ont connu l’aide sociale à l’enfance…
En 2006, moins de la moitié des 2 300 pupilles de l’État ont été adoptés. Comment pallier cet échec ?
Cette année-là, seuls 764 de ces enfants ont été placés en vue d’une adoption. Souvent, les pupilles de l’État qui ne trouvent pas de famille sont trop âgés, souffrent d’une maladie, d’un handicap, ou font partie d’une fratrie. Mais il n’y a pas de fatalité. Notre action prioritaire sera d’améliorer le Système d’information pour l’adoption des pupilles de l’État (Siape). Censé croiser au niveau national les profils des couples et des enfants, il fonctionne mal.
Nous allons revoir son architecture informatique. Nous réfléchissons aussi à un service dédié à l’exploitation concrète des informations, pour qu’un enfant souffrant d’un handicap dans la Nièvre puisse être mis en relation avec une famille du Nord, prête à assumer ce handicap. Enfin, mes services travaillent sur l’hypothèse d’une compensation financière pour les familles adoptant une fratrie.
Trop d'enfants abandonnés ne sont pas proposés à l'adoption
La Croix, le 28/07/08, extrait
Trop d’enfants abandonnés ne sont pas proposés à l’adoption
Selon le rapport Colombani, 9 à 13 % des enfants placés auraient pu prétendre à l’adoption. Les travailleurs sociaux et les magistrats reconnaissent que le système peut être amélioré
C’est un débat passionnel. Pour les familles adoptives en attente d’enfant, l’article 350 du code civil, qui permet de déclarer « l’abandon judiciaire » d’un enfant lorsque le « délaissement » est constaté et lui confère alors le statut de pupille de l’État, n’est pas assez utilisé.
Pour les travailleurs sociaux qui se chargent de demander au juge des affaires familiales de prononcer cette mesure, celle-ci est à manier avec de grandes précautions.
Une lettre ou quelques coups de téléphone suffisent légalement à prouver le maintien du lien
La règle est simple : si, en douze mois, les travailleurs sociaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE, rattachée au conseil général) constatent un « délaissement » de la part de la famille biologique, elles le signalent au magistrat, qui constatera ou non l’abandon.
Mais voilà : une simple lettre ou quelques coups de téléphone au cours de l’année écoulée suffisent légalement à prouver le maintien du lien. En 2005, seules 150 « déclarations judiciaires d’abandon » ont été prononcées.
Le rapport sur l’adoption que Jean-Marie Colombani a remis au président de la République le 19 mars dernier a ainsi étudié la situation des enfants placés dans 11 départements. Les résultats sont éloquents : selon les cas, de 9 à 13 % d’entre eux seraient de fait abandonnés, et auraient donc pu prétendre à l’adoption, mais ils n’ont pas été signalés. À la place, ils sont pris en charge en foyer ou en famille d’accueil.