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Le corbeau placé chez les fous pour « délire paranoïaque »
Société
Fin de cabale pour le corbeau • Une ex-psychiatre paranoïaque inondait Guingamp de lettres injurieuses. Arrêtée, évadée et en fuite, elle avait repris ses envois.
Libé, mercredi 30 juillet 2008, extrait
Porteuse d’un «secret d’Etat» explosif et persuadée d’être traquée par des agents spéciaux, la psychiatre Marie-Annick B., 51 ans, qui a déversé des tombereaux de lettres ordurières sur sa ville natale de Guingamp (Côtes-d’Armor), vient d’être rattrapée par les gendarmes au bout de deux années de cavale, et placée chez les fous pour «délire paranoïaque». Elle avait exercé à Paris, à l’hôpital Sainte-Anne, dans un cabinet avenue des Champs-Elysées, puis rue Caumartin, et passait ses vacances et week-ends à Guingamp. Coupe à la garçonne, petite, mince, élégante, la dame masculine «présentait bien, ensemble vert kaki, manteau et béret, je l’ai aperçue habillée ainsi à un conseil municipal, et elle n’avait pas le profil d’une sorcière ou d’une hystérique», dit Françoise Le Guern, directrice générale adjointe de la mairie. Elle reste discrète jusqu’à ses premières missives «véhémentes», en 2004. Mme B. cible alors trois personnages : «Elle accuse le maire, Noël Le Graët, de complot avec Chirac et de trafics. Elle fait une fixation érotomane sur un agent de la ville qui, n’ayant pas adhéré à son délire, se voit reprocher tous les maux de la Terre. Elle s’en prend aussi à une patronne de bar, qu’elle traite "d’ex-call girl de l’Elysée", de "vampire" et de "criminelle diabolique"», rappelle Françoise Le Guern. Loin du corbeau anonyme, Marie-Annick B. signe tous ses courriers de son nom et s’en prend bientôt à tous les «notables» de Guingamp : «Elus, médecins, gendarmes, commerçants, madame le procureur et monsieur le curé, tout le monde y passe, tous mouillés dans le complot fomenté par les "Le Graëtistes".» La dénonciatrice dit tenir ses renseignements d’un agent secret. Ses missives, noircies d’une fine écriture, visent les «personnes publiques» pour «vols et trafics» et les quidams pour des «agissements sexuels» pornos ou pédophiles. La poste de Guingamp tourne à plein régime. Françoise Le Guern a remarqué qu’elle «colle toujours ses timbres à l’envers, j’ignore s’il y a une signification». Marianne cul par-dessus tête, bonnet phrygien en bas, la République et la France à l’envers.
A l’été 2005, Marie-Annick B. achète une maison au cœur de la cité de 8 000 habitants, une ancienne mercerie derrière la basilique, et placarde ses lettres «putassières» dans la vitrine. Dans le bourg, ça jacasse.