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Les mères porteuses, un créneau indien
Les mères porteuses, un créneau indien
LE MONDE | 04.08.08 | Extraits
"Accepterais-tu de prêter ton ventre à un couple d'Américains ?", a demandé Rajesh à sa femme, un beau matin, dans leur petite maison située dans un village du Bihar, une des régions les plus pauvres d'Inde. Puja crut d'abord à une plaisanterie. "Comment veux-tu que j'accouche d'un bébé blond aux yeux bleus ?", lui a-t-elle répondu en ricanant. "Désormais, la technologie peut faire naître un bébé à partir de n'importe quel ventre", rétorqua son mari.
... Choquée à l'idée que "la technologie puisse mettre au monde des enfants", Puja hésita. Avait-elle le droit de refuser ? Lourdement endetté, le couple pouvait difficilement renoncer aux 2 500 euros offerts par la clinique. Invoquant le mythe du conte épique indien Ramayana, Rajesh rappela à sa femme ses devoirs : "Lorsque le dieu Rama a dû se réfugier, seul, dans la forêt, pendant quatorze ans, Sita a bravé tous les dangers pour le rejoindre et remplir son devoir d'épouse."
... En plein coeur de New Delhi, la clinique se repère facilement grâce à sa pancarte, "Lieu de naissance de la joie", et aux dizaines de sandales entassées au pied de l'escalier. Dans la salle d'attente, les patients, pieds nus, ne quittent pas des yeux la comédie romantique diffusée à la télévision. Ici, les ovules et les spermatozoïdes font l'objet d'une attention particulière. "Vous êtes priés de ne pas utiliser de parfum, ni de lotion après rasage. Ces odeurs sont mauvaises pour les ovules et les spermatozoïdes", avertit une pancarte, placée à côté de Ganesh, dieu de la prospérité.
Le docteur Gupta est un "spécialiste de la fertilité", comme l'indique sa carte de visite. Chaque mois, il reçoit, trente demandes de couples étrangers. "Ici, les femmes ne trompent pas leur mari. Elles ne boivent pas d'alcool, ne fument pas et ne se droguent pas. Elles sont en excellente santé", affirme le docteur.
... Après l'informatique, les grossesses se délocalisent en Inde. L'opération, qui peut coûter en Inde jusqu'à 20 000 dollars (13 000 euros environ), est cinq fois moins chère qu'aux Etats-Unis. Des agences se sont même créées dans le but de recruter des mères porteuses.
... "Et si la mère meurt à la naissance ?", s'interroge Bhavana Kumar, coordinatrice au Conseil national des femmes. "En l'absence de loi, les mères porteuses s'exposent à tous les dangers", conclut-elle. En Inde, la pratique de la maternité par substitution n'est pas nouvelle. "Il arrivait qu'une femme porte l'enfant de sa soeur, stérile. Mais on restait dans le cadre familial. Désormais, le corps peut être exploité commercialement. C'est la porte ouverte à tous les abus", avertit le docteur Girija Viyas, la présidente de la Commission nationale des femmes. Récemment, la commission nationale a recueilli le témoignage d'une femme qui, après avoir accouché sept ou huit fois, aurait rencontré de sérieux problèmes de santé.
... Même si une loi est votée, les couples étrangers ne seront pas tout à fait protégés, ajoute le docteur Asha Jaipuria, obstétricienne : "Qu'est ce qui peut garantir aux parents que certains de leurs ovules ou spermatozoïdes ne seront pas conservés pour être ensuite revendus à des mères indiennes désirant avoir un bébé au teint clair ?"