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La culpabilisation fragilise le couple
Robert Neuburger est psychanalyste et psychiatre
La culpabilisation fragilise le couple
LE MONDE | 05.08.08 | Extrait
Dans votre dernier livre,"L'Art de culpabiliser", vous faites le constat de la culpabilisation devenue un mode de fonctionnement extrêmement répandu au sein des couples. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Autrefois, le couple se définissait selon des règles et des principes stricts établis par l'Eglise, la famille et la société. Elles fournissaient un cadre précis de ce qu'il était permis ou pas de faire. En cas de conflit ou de tromperie au sein des couples, ces institutions jouaient un rôle important. Elles avaient un droit de regard.
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Aujourd'hui, ce rôle est mineur. Dans les familles et plus généralement dans la société, on estime que les affaires du couple relèvent de l'intime et qu'il vaut mieux ne pas s'en mêler. Du coup, le couple se définit selon des critères assez flous. Chacun apporte, de façon tacite, ses idéaux, ses valeurs et ses convictions propres, persuadé que l'autre les a reconnus et les partage.
Ce flou aurait donc ouvert la porte à la culpabilisation ?
En grande partie oui. Actuellement, le contrat s'est considérablement allégé : le couple n'est plus une prison à perpétuité ni une rente de situation. Mais là où l'on aurait pensé gagner en liberté et en légèreté, jamais il n'y a eu autant d'accusations parfois violentes, de tentatives de culpabiliser l'autre en lui rappelant des engagements dont nombre sont imaginaires ou simplement supposés par l'un des partenaires.
En quoi cette culpabilisation est-elle nuisible au couple ?
Avoir recours à des réflexions comme "C'est de ta faute si on s'est perdu, si notre fils a raté son examen, si le lave-vaisselle est tombé en panne..." permet de rejeter la faute sur l'autre et ne pas se remettre en question. Résultat : celui qui est en position d'accusé ne peut que réfuter l'accusation, voire rejeter la faute sur l'autre, ou se soumettre et se reconnaître coupable.
Ensuite, progressivement s'installe un schéma d'interprétation paranoïaque qui consiste à interpréter toute réflexion ou toute demande comme un reproche. Ce qui est, là aussi, très pratique parce que cela permet de ne pas entendre la demande et donc de ne pas bouger. Enferré dans ce système, chacun croit avoir raison. Donc rien ne bouge. C'est destructeur pour le couple.
Quels sont les différents types de culpabilisation à l'oeuvre au sein du couple ?
Il y en a trois. Les mêmes que ceux inculqués pendant l'enfance et nécessaires à notre construction mais qui, reproduits dans le couple, deviennent un problème central. La culpabilisation paternelle enseigne la loi et la soumission à la norme. Transgresser expose à la punition.
La culpabilisation maternelle repose sur la dette d'amour et peut se réduire à cette proposition : "Tu dois te sentir coupable vis-à-vis de ta mère qui a tant souffert pour t'avoir, ou qui s'est tant sacrifiée pour toi". D'où ces réflexions maternelles tant répandues : "Tu m'en fais tellement voir que tu me feras mourir", "Je me fais tant de souci pour toi... tu me tueras"...
Enfin, la culpabilisation fraternelle consiste à inculquer la notion d'exemple et de partage, la soumission au groupe. Attention, la culpabilisation maternelle n'est pas réservée aux mères, paternelle aux pères, etc. Chaque mode peut être utilisé par l'un ou par l'autre.