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Ces enfants qui suivent leur mère dans les prisons afghanes
KABOUL (AP) - Ils sont 226 jeunes enfants à vivre dans les prisons afghanes. Non pas pour avoir commis un crime mais parce que leur mère fait partie des 304 femmes incarcérées en Afghanistan. Des mères qui ont décidé que la prison était la meilleure solution pour eux dans ce pays pauvre et ravagé par la guerre, où une habitation confortable et sûre constitue une rareté.
Parmi ces jeunes détenus, Wahid, trois ans, serre dans ses bras une peluche sale en forme de lapin bleu, tandis que les autres enfants de la prison se pressent autour de lui. "Est-ce qu'on va être conduits à l'orphelinat?" s'interroge-t-il.
Lorsque des visiteurs lui demandent s'il veut y aller, Wahid oscille entre le oui et le non, incapable de décider ce qui est le pire, aller à l'orphelinat ou rester en prison avec sa mère.
Dans la plupart des pays européens, les enfants de moins de trois ans peuvent rester en cellule avec leur mère, pour alléger la douleur de la séparation. Aux Etats-Unis, quelques prisons autorisent les femmes à rester avec leurs enfants, tandis que d'autres jeunes sont placés dans des foyers d'accueil ou des programmes d'aide à l'enfance.
En Afghanistan, les raisons du maintien en prison des enfants sont radicalement différentes: ce sont la pauvreté et la sécurité.
A l'extérieur, ces enfants seraient exclus de la société parce que leur mère, souvent accusée d'adultère ou de meurtre, est incarcérée. En prison, ils ont accès à l'éducation, aux soins médicaux et aux distributions gratuites des associations humanitaires, soit plus que ce que reçoivent en moyenne les jeunes Afghans.
"Je vivais avant sous une tente, et je n'ai pas d'argent. Au moins, en prison, mes enfants ont quelque chose à manger", explique Qandy, 30 ans. Accusée d'avoir volé un téléphone portable, elle est incarcérée avec son fils de trois ans et sa fille d'un an.
Certains des enfants sont nés derrière les barreaux. D'autres sont là parce que leur mère les a réclamés, selon Karine Benyahia, coordinatrice au sein du Comité international de la Croix Rouge.
Dans certains cas, il n'y a personne d'autre pour garder les enfants. Beaucoup de détenues redoutent aussi que leurs petits soient battus ou même tués par des ennemis ou des proches désireux de vengeance, ou que leurs filles soient mariées par des membres de la famille avides de s'accaparer la dote.
Pourtant, la prison est loin de constituer un environnement idéal pour ces jeunes, qui grandissent au milieu de criminels et souffrent souvent de maladies.
Sohrab, quatre ans, a les yeux irrités, l'iris cerclé de blanc. Sa mère, Maria, affirme qu'elle et son fils souffrent d'une hépatite C. Deux de ses autres enfants sont avec elle en prison.
"A qui puis-je les confier à l'extérieur?" s'interroge Maria, soulignant que sa belle-famille l'accuse d'avoir tué son mari. Elle en est à peu près à la moitié de sa peine de dix ans de prison. "Je m'inquiète à leur sujet, s'ils doivent passer cinq années de plus ici en étant malades..."
Une autre enfant, Nazanin, est née en prison il y a trois ans, mais ne sait toujours pas marcher et ressemble à un petit bébé.
"J'ai essayé de l'aider, mais elle n'arrive même pas à tenir debout sur ses pieds", confie sa mère, Habiba, qui a effectué trois des dix années à laquelle elle a été condamnée pour meurtre. "Elle mange beaucoup, mais elle ne prend pas de poids."
Les enfants dorment avec leur mère, parfois à quatre sur une étroite couchette d'une place. Les mères mettent leurs nouveaux-nés dans des hamacs fabriqués avec des foulards attachés à l'armature des lits superposés.
En l'absence de parcs à jeux et de berceaux, les petits dont le comportement pose problème sont attachés aux lits par un bras ou une jambe, afin de les faire tenir tranquilles.
La prison de Kaboul constitue d'une certaine manière une amélioration par rapport à celle de Pou-e Charkhi, froide et humide, à l'odeur pestilentielle, où les femmes étaient incarcérées jusqu'au mois d'avril dernier. La nouvelle prison est lumineuse et beaucoup plus propre. Pourtant, à l'intérieur, six femmes sont entassées. Avec leurs enfants dans chaque cellule.