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« La Boge aux paysans. Va-t'en ! »
Reportage
"La Boge aux paysans. Va-t'en !"
LE MONDE | 03.09.08 | Extraits
La missive en forme de cercueil avait été déposée sur le siège du tracteur garé dans la cour. En découvrant le pli anonyme au petit matin du 22 août, Jean-Hugues Bourgeois a un haut-le-coeur. "Tu pars ou ils crèvent", le menace-t-on d'une écriture tremblée. "On jettera ta fille dans un fossé après avoir fait d'elle une femme (...). Pas un mot aux flics ou ta mère y passe." Une fois encore, il accuse le coup. "Six mois que cela dure ! Je commence à être usé."
Pourtant, Jean-Hugues Bourgeois affirme qu'il ne partira pas. Il n'abandonnera pas sa ferme, il ne vendra ni ses chèvres ni ses brebis, il ne renoncera pas à son rêve d'une agriculture "écologique et socialement responsable". Pour conjurer le cauchemar qui hante ses nuits, celui d'une petite fille que des inconnus retirent d'un coffre de voiture, il a décidé de briser le silence du monde paysan. De tout dire du harcèlement dont il est victime, de ne rien cacher de cette âpre lutte pour la terre qui tient en haleine le petit village de Teilhet, tout juste 300 habitants, au coeur des Combrailles, un territoire à cheval sur le Puy-de-Dôme, l'Allier et la Creuse.
... "Les gens d'ici ne peuvent plus se contenter de dire qu'ils veulent que des jeunes s'installent", s'insurge Jean-Hugues Bourgeois. "Il faut qu'ils prennent parti", ajoute-t-il dans une forme d'appel à l'aide. Après des semaines de silence, le maire de Teilhet a fini par sortir de sa réserve. "Ce qui arrive est inacceptable", condamne Bernard Duverger. Mais tout aussi inacceptable à ses yeux est la rumeur qui désigne les familles que la convoitise pour les terres de la Boge aurait fait déraper. Dans la chaleur de cette fin d'été, certains pressentent que l'orage va éclater. Et qu'il sera violent. D'autant, comme le disent les gendarmes, que "l'étau se resserre".