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Polémique en Suisse : l'école « discrimine les garçons »
Impressionnante recrudescence des violences à caractère raciste en Italie
ITALIE. Un Chinois agressé sans raison par un groupe de jeunes Romains. La gauche dénonce un climat d'intolérance.
Samedi 4 octobre 2008, LT.ch, extrait
Il patientait tranquillement jeudi à l'arrêt de bus de Tor Bella Monaca dans la banlieue populaire de Rome. A l'improviste, six jeunes adolescents l'ont apostrophé: «Hé, Chinois de merde.» L'un d'entre eux a ensuite commencé à le frapper. Les autres l'ont roué de coups de pied. Le visage en sang, l'homme, âgé de 36 ans, s'est écroulé à terre. Seule l'intervention d'un passant (conseiller municipal de l'Alliance nationale) a permis de mettre en fuite le groupe de jeunes. Interpellés quelques heures plus tard, les jeunes se sont murés dans un inquiétant silence, incapables d'expliquer les raisons d'un tel passage à tabac en plein après-midi.
POLÉMIQUE
L'école «discrimine les garçons»
A force de vouloir combler l'inégalité entre les sexes, a-t-on fini par mettre au point un système scolaire qui favorise unilatéralement les filles? C'est la thèse provocatrice d'un pédiatre et d'un psychologue alémaniques qui crient au scandale: aujourd'hui, les garçons sont discriminés à l'école et il est temps que le modèle change. Vif en Suisse allemande, le débat promet d'être chaud
Le 04 octobre 2008, 21h14, Le Matin Dimanche
«L'école discrimine aujourd'hui systématiquement les garçons!» Avec cette affirmation provocatrice, Remo Largo, pédiatre et ancien professeur à l'Hôpital des Enfants de Zurich, a lancé un pavé dans la mare - par le biais d'une interview accordée il y a quelque temps au Magazin du Tages-Anzeiger. Depuis, ce pavé n'en finit pas de faire des vagues, en Suisse alémanique surtout.
Des vagues? Oui, et puissantes: non seulement en raison de la dimension politiquement peu correcte du propos (l'école publique accusée de sexisme à l'envers), mais aussi parce que dans les pays germanophones, Remo Largo est considéré comme la grande référence en matière de développement de l'enfant (voir encadré page suivante). Pas un journal, outre-Sarine, qui n'en ait fait écho aujourd'hui. A tel point que la question de l'enseignement séparés des filles et des garçons est à nouveau évoquée dans quelques cantons, voire testée quelques heures par semaine dans certains établissements - même si tous les concernés soulignent qu'il ne s'agit pas de revenir en arrière mais d'aménager «quelques îlots».
Pour Remo Largo, les chiffres et les statistiques sont éloquents: «Au niveau élémentaire déjà, les garçons représentent deux tiers des effectifs des classes spéciales ou à effectif réduit, explique-t-il. Idem en ce qui concerne l'offre de soutien pour différents troubles: linguistiques, psychomoteurs, dyslexie. Ce fossé se creuse au fur et à mesure que l'on avance dans le cursus scolaire. Plus la filière est faible, plus il y a de garçons dans les classes, alors qu'au gymnase, les filles sont majoritaires et leur part augmente constamment depuis que le Tribunal fédéral a interdit en 1981 la pratique qui consistait à favoriser les garçons en jouant sur les notes. Aujourd'hui, on trouve en moyenne suisse 55% de filles au gymnase, voire 60% dans certains cantons.»
Des écarts de maturité
Les garçons seraient-ils donc plus sots? «Non, répond fermement Remo Largo. Cette situation est due au fait que l'école favorise des compétences par lesquelles la majorité des garçons est incapable de se définir et d'apprendre. Le fait que l'expression verbale soit plus pondérée que les branches scientifiques, manuelles et physiques les désavantage clairement. Dans le même temps, tout ce qui compte pour la plupart d'entre eux, comme l'engagement physique ou la compétition, est déprécié ou considéré comme déviant. Leurs centres d'intérêt sont négligés ou carrément évacués. Le système privilégie unilatéralement les compétences des filles: un enseignement structuré en objectifs d'apprentissages, axé autour de l'expression et de la relation, qui fait comme s'il n'existait aucune différence de développement entre filles et garçons. Alors qu'à 12 ans, l'écart de maturité est d'environ un an et demi.»
A noter que le pédiatre zurichois n'est pas seul à faire cette analyse. Allan Guggenbühl, psychologue et auteur d'un ouvrage sur cette problématique, tire lui aussi la sonnette d'alarme. «Les instruments pédagogiques, les objectifs et tests actuels ne tiennent absolument pas compte du développement cognitif, du mode d'apprentissage et des besoins des garçons, affirme-t-il. On a évacué les rituels, les hiérarchies, la pensée en système: des éléments sans lesquels la plupart des garçons sont désemparés. Ils ont beaucoup de mal à se définir par le relationnel. Or ce dernier est précisément devenu un critère de promotion vers les filières supérieures. D'où ce scandale: deux tiers des garçons abandonnent avec le sentiment qu'ils n'ont pas leur place dans le système scolaire. Et doivent se frayer leur propre chemin par apprentissage, maturité professionnelle et HES interposés.»
Mais surtout, estiment les deux spécialistes, l'école a du mal avec les garçons parce que ces derniers sont «moins faciles»: ils sont turbulents et fonctionnent par provocation pour trouver leur place. Selon une hypothèse fréquemment avancée pour expliquer ce comportement, notre société continuerait à fabriquer des petits machos devant lesquels tout le monde abdiquerait - parents, autorités, enseignants. Bref, la surreprésentation des garçons dans les filières faibles serait avant tout le résultat d'une éducation où les garçons restent les petits rois dont on n'ose rien exiger, d'où leur absence d'efforts. Et leurs échecs.
Sous l'emprise d'un reliquat patriarcal
«Je m'inscris en faux contre cette affirmation, répond Remo Largo. Dès leur enfance, les enfants sont majoritairement pris en charge par des femmes: par leur mère, puis par des éducatrices de la petite enfance pour ceux qui vont en crèche, et enfin par un corps enseignant qui compte 70% de femmes. Les garçons ont donc largement l'occasion d'être sensibilisés aux valeurs dites féminines de communication, d'expression des sentiments, de gestion verbale des conflits. Et pourtant, ça ne fonctionne pas.» Et la société se tromperait lorsqu'elle attend d'un garçon qu'il s'adapte à un moule dit «féminin» qui n'est pas en fait pour lui. «Ceux qui façonnent le système scolaire sont encore prisonniers d'une vision des choses où l'on postule que tout est question d'acquis, renchérit Allan Guggenbühl. Ils persistent à croire que les garçons sont encore sous l'emprise d'un reliquat patriarcal et cherchent inconsciemment à ressembler à ce modèle et qu'ils suffiraient qu'ils s'adaptent. Or à l'évidence, les choses sont beaucoup plus compliquées. On peut donc continuer à nier ce qui fait la spécificité des garçons, conclut-il. Ou envisager l'énorme potentiel que cette différence représente et tenter d'aller à sa rencontre.»
«Les garçons n'ont pas de lobby: il est temps que les pères s'engagent!»
Remo Largo a dirigé au cours de ses trente années de recherche à l'Hôpital des Enfants de Zurich une série d'études longitudinales dans le cadre desquelles il a suivi le développement de centaines d'enfants jusqu'à l'âge adulte. Le résultat: une somme de données colossale et unique en son genre que le pédiatre a intégré dans son grand ouvrage de référence, Babyjahre, sorti en 1993 et réédité depuis à plusieurs reprises.
S'est-on trop occupés des filles au cours des dernières décennies?
Non, car il n'y avait aucune raison qu'elles continuent de subir la discrimination qu'on leur a infligée par le passé en matière de formation. Mais à force de s'occuper d'elles, on a laissé les garçons sur le carreau. Et aujourd'hui, personne ne se demande comment ils vont.
Pourquoi y a-t-il une journée des filles et pas une journée des fils? Parce que personne ne la réclame...
Justement! Alors que ce serait aux pères de le faire, mais ils sont aux abonnés absents. Où sont les hommes qui devraient s'engager pour leurs fils et les défendre? Les garçons n'ont pas de lobby.
Ce serait aux pères d'assumer ce rôle?
Oui! Lorsqu'il y a des problèmes à l'école, on retrouve toujours les mères au front, les pères ne se sentent pas concernés. Pourquoi? Il serait grand temps qu'ils comprennent que quelque chose cloche et que leurs fils sont en train d'en faire les frais, alors qu'il n'y a aucune raison d'accepter que les garçons se retrouvent évincés des filières supérieures.
Suite de l'article du Temps...
«Virus du racisme»
«C'est le virus du racisme», s'inquiète de son côté la presse transalpine. Car l'épisode de Tor Bella Monaca fait suite à une impressionnante recrudescence des violences à caractère xénophobe. Le 14 septembre dernier, à Milan, un jeune homme originaire du Burkina Faso a été tué par deux commerçants à coups de bâtons parce qu'il avait, semble-t-il, dérobé quelques biscuits. «Sale Noir» hurlaient les deux hommes en achevant l'adolescent. Le 23 août, un étudiant angolais a été frappé et insulté par trois Italiens à Gênes. Un mois plus tôt à Milan, un Sri Lankais a été violemment pris à partie. L'exécution, il y a quelques jours de six Africains par la Camorra à Castel Volturno, dans la province de Naples, est sans doute davantage en rapport avec le contrôle du territoire et des règlements de comptes de la criminalité organisée qu'avec une explosion de la xénophobie.
Il n'en reste pas moins que La Repubblica indiquait vendredi qu'en 2007 les cas de racisme en Italie ont dépassé le chiffre de 200 et que chaque jour apporte désormais son lot de violence. Que ce soit de la part de citoyens ou parfois de représentants des forces de l'ordre. Deux jours avant l'agression du Chinois, un étudiant ghanéen avait dénoncé avoir subi des vexations et des coups portés par des policiers municipaux de Parme. Jeudi, un vendeur ambulant sénégalais a été frappé à coups de barre de fer à Milan. Hier encore, une Somalienne de 51 ans a accusé les douaniers de l'aéroport de Rome de l'avoir illégalement retenue pendant quatre heures et de l'avoir traitée de «nègre».
Dans ce contexte tendu, les murs de Rome sont régulièrement couverts d'inscriptions racistes et antisémites. Hier, dans le quartier Prenestino le nom d'Anne Franck (adolescente juive allemande déportée et dont le journal intime a été publié) a été taggé sur les murs orné d'une croix gammée. «Ces actes scélérats offensent la mémoire», a immédiatement condamné le maire Alliance nationale Gianni Alemanno. De manière générale, la majorité de droite prend soin de dénoncer vigoureusement les épisodes de racisme. Mais la gauche italienne dénonce un climat d'intolérance fomenté par la coalition de Silvio Berlusconi. «Le gouvernement souffle sur la peur», a insisté hier le secrétaire du Parti démocrate, Walter Veltroni. Ancien activiste d'extrême droite, Gianni Alemanno aux dernières élections a notamment mené campagne sur l'insécurité. Quant aux élus de la Ligue du Nord ils multiplient les déclarations sulfureuses. Le vice-maire de Trévise, Giancarlo Gentilini, a par exemple lâché jeudi: «Je ne veux pas voir de Noirs, de marrons ou de gris enseigner quoi que ce soit à nos enfants.»
Longtemps épargnée par le racisme, l'Italie, qui a connu en quelques années une vague d'immigration sans précédent, est ainsi le théâtre d'une augmentation préoccupante de propos et d'actes xénophobes. Même l'Eglise catholique, au plus haut niveau, s'inquiète et ne cache plus sa «préoccupation face à un renouveau du racisme».