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Des psychiatres contre la rétention de sûreté
Après un fait divers, Nicolas Sarkozy relance une réforme retirée en 2007
LE MONDE | 14.11.08 | 15h10 • Mis à jour le 14.11.08 | 21h05, extrait
Ne pas rester inactif devant la douleur des victimes : avec ce mot d'ordre, une nouvelle fois, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a ordonné la mise en place d'une réforme en réponse à un fait divers dramatique.
Après le meurtre d'un jeune homme à Grenoble, mercredi 12 novembre, tué par un schizophrène qui venait de fuguer de l'hôpital psychiatrique, le chef de l'Etat a convoqué, jeudi 13 novembre, les ministres de l'intérieur, de la justice et de la santé. Il leur a demandé de "préparer sans délai une réforme en profondeur du droit de l'hospitalisation psychiatrique". Une inspection générale des affaires sociales a aussi été diligentée dans "la perspective de sanctions éventuelles". A Grenoble, la direction de l'hôpital a ouvert une enquête interne, mais estime qu'aucun dysfonctionnement n'est mis en lumière par les premières constatations.
Pour M. Sarkozy, l'affaire de Grenoble offre l'occasion de relancer la réforme de la loi de 1990 sur l'internement psychiatrique, qu'il n'avait pu faire aboutir quand il était ministre de l'intérieur.
Ouest-France, jeudi 13 novembre 2008
Des psychiatres contre la rétention de sûreté
Une pétition contre la rétention de sûreté, mise en place par Rachida Dati,a recueilli plus de 13 600 signatures, dont celle du psychiatre Daniel Zagury.
Daniel Zagury. Ce psychiatre a expertisé de grands criminels : Guy Georges, Patrice Alègre, Michel Fourniret... Il refuse pourtant ce qu'il appelle la « perpétuité sur ordonnance ».
Un diagnostic, pas un pronostic. « En tant que citoyen, je ne suis absolument pas opposé à ce que l'on neutralise des individus hautement dangereux. Aucune ambiguïté sur ce point. Mais la question posée par la rétention de sûreté est tout autre. On va demander aux psychiatres, non plus de soigner de façon humaine des malades mentaux, mais de faire en sorte que l'on ne puisse plus relâcher des délinquants dangereux. Le corps de notre métier est de diagnostiquer et de traiter les pathologies mentales. Il n'est pas question de prononcer un pronostic. Avec tout notre savoir et notre expérience, on peut émettre un avis, mais on ne peut prétendre - ô grand jamais - à un savoir astrologique sur le futur. »
Des auxiliaires, pas des larbins. « Si l'on nous demande des choses que l'on ne sait pas faire, vous n'aurez plus des psychiatres en face de vous, mais des clowns, des bouffons. Nous soignons en prison. Nous acceptons d'être des « auxiliaires » de justice, mais nous n'en sommes pas les larbins. La perpétuité ne se prononce pas sur ordonnance. »
Des êtres humains, pas des monstres. « En Grande-Bretagne, en 2003, nos collègues se sont farouchement opposés à une mesure du même genre. Il ne s'agit pas d'une réaction épidermique. En France, on juge un être humain et on ne lui inflige pas une peine automatique. Or, la nouvelle loi modifie profondément cette philosophie pénale.
Pour l'opinion, les grands criminels sont des monstres - et non pas des hommes - qu'il faut enfermer à vie. En allant dans ce sens, le pouvoir politique joue sur du velours. Il jette la suspicion sur toutes les professions qui s'occupent des criminels. Mais, si l'on court-circuite l'avis des magistrats, des éducateurs, des psychiatres et des délégués de probation,on crée un immense problème. Ces professions seront terrorisées à l'idée d'être désignées responsables et lynchées sur la place publique. Alors qu'elles ont besoin de travailler dans la confiance. »