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L'indignation s'amplifie après l'affaire Filippis
L'indignation s'amplifie après l'affaire Filippis
lefigaro.fr avec AFP, 30/11/2008 | Mise à jour : 17:09 | Commentaires 137
L'interpellation musclée de l'ex-directeur de la publication de Libération, contre qui avait été délivré un mandat d'amener dans une banale affaire de diffamation, suscite de nombreuses réactions.
[...] «Il n'y a pas de précédent en France, aucun directeur de publication n'a subi ce que j'ai subi», dénonce Vittorio de Filippis. «Nous vivons dans un pays où l'on parle d'incarcérer les mineurs délinquants de 12 ans, on voit comment est traitée l'ultra-gauche sur l'affaire de la SNCF... On porte atteinte à la liberté de la presse, aux libertés publiques, au débat démocratique», a-t-il également critiqué.
«Lettre de cachet»
Libération, dans un article publié samedi dénonce un «dérapage judiciaire sans précédent en matière de diffamation». De son côté, la Société civile des personnels de Libération (SCPL) s'élève contre «les méthodes judiciaires intolérables» dont a été victime Vittorio de Filippi. Laurent Joffrin, directeur de la publication et de la rédaction, écrit que la juge Muriel Josié a utilisé «une lettre de cachet»* à l'encontre du journaliste «avec attaque de la maréchaussée à l'aube, fouille au corps et enfermement temporaire». Il envisage avec les avocats du journal «tous les recours possibles».
Samedi, les réactions d'indignation ont afflué. L'UMP a demandé l'ouverture d'une enquête : «Le traitement subi par le responsable de Libération, arrêté dans le cadre d'une affaire de délit de presse non passible de prison, parait surréaliste», s'indigne Frédéric Lefebvre dans un communiqué. La ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, «souhaite que toute la lumière soit faite sur les circonstances» de l'interpellation.
Le PS a stigmatisé des «méthodes inadmissibles» qui ont pour but «d'entraver la liberté de la presse». Sa première secrétaire, Martine Aubry, a demandé à Nicolas Sarkozy une enquête «dans les plus brefs délais» sur l'interpellation du journaliste. Elle s'indigne des «méthodes judiciaires inadmissibles dont il a été victime». Jack Lang, de son côté, a affirmé avoir «honte pour [s]on pays».
Reporters sans frontières a jugé les faits «intolérables», affirmant que la France «détient le triste record européen du nombre de convocations judiciaires, mises en examen et placements en garde à vue de journalistes».
«Un criminel»
Le syndicat professionnel de la Presse magazine et d'opinion a appelé la ministre de la Justice, Rachida Dati, à «réaffirmer publiquement que la détention n'existe pas dans les délits de presse». Le Syndicat de la Presse quotidienne nationale a demandé à la ministre de «mettre fin à de telles dérives d'intimidation, incompatibles avec la liberté d'expression». Le Syndicat national des Journalistes s'est insurgé contre le fait qu'un journaliste soit «traité comme un criminel». Le syndicat des journalistes SNJ-CGT a appelé la profession à se réunir lundi à 12H00 à la Maison de la Radio pour «dénoncer le simulacre des débats aux Etats Généraux» de la presse et «faire cesser les atteintes aux libertés de l'information». L'Union syndicale des journalistes CFDT s'inquiète des méthodes «totalement disproportionnées» utilisées contre le journaliste et «déplore ce qui ressemble trop à une nouvelle intimidation contre le journalisme d'investigation».
Enfin, l'Association de la Presse judiciaire a fait part de sa «stupéfaction» dimanche, «apporté son soutien plein et entier à Vittorio de Filippis» et attiré «l'attention des autorités judiciaires sur ce dérapage honteux qui ne constitue pas, hélas, un cas isolé». «Notre confrère a été traité comme de nombreux citoyens, victimes du zèle de certains fonctionnaires de police et de quelques magistrats qui estiment que rendre la justice, c'est d'abord humilier le justiciable. Les exemples d'intimidation judiciaire se multiplient ces derniers mois à l'encontre de journalistes, en dépit d'un discours officiel prêchant, sous divers aspects, le renforcement de la liberté de la presse» a encore déploré la Presse Judiciaire.
* Sous l'Ancien Régime, en France, une lettre de cachet émanait du roi et contenait un ordre d'emprisonnement ou d'exil sans jugement.
NDLR : Voir aussi sous Opinions, Le 41me fauteuil de l'Académie française...
Tous, excepté les imbécilles, ont défendu vivement leurs prérogatives, lorsqu'on a effayé de les limiter, & fe font reffaifis à la premiere occafion favorable de ce qu'ils avoient perdu. Les hommes doivent donc s'eftimer heureux fi leur condition ne devient pas plus mauvaife, & foiblement efpérer qu'elle foit jamais beaucoup meilleure, à moins qu'ils ne parviennent à connoître leurs droits & leurs forces, & que la volonté & l'intérêt général, c'eft-à-dire la juftice, ne foient un jour, graces aux progrès de l'inftruction, la loi univerfelle & fondamentale des fociétés, également obligatoire pour leurs chefs & tous les individus qui les compofent. • Mirabeau, Des lettres de cachet et des prisons d'état, 1782
Mirabeau, Des lettres de cachet et des prisons d'État, 1778... Les philosophes du Siècle des Lumières s'attachent à réduire les pratiques de la justice d'Ancien Régime qu'ils jugent afflictive, inégalitaire et arbitraire. Les peines corporelles constituent l'essentiel du châtiment. • De source www.musee-prisons.justice.gouv.fr
PARIS (Reuters) - L'interpellation musclée de l'ancien directeur de Libération, Vittorio de Filippis, a provoqué dimanche un tollé dans le milieu politique et parmi les syndicats de journalistes.
Aujourd'hui directeur du développement du journal, Vittorio de Filippis a raconté les conditions difficiles dans lesquelles il a été interpellé vendredi à l'aube à son domicile en région parisienne dans le cadre d'une plainte en diffamation du fondateur du fournisseur d'accès internet Free, Xavier Niel.
Cette plainte vise le commentaire d'un internaute publié sur le site internet de Libération après la parution d'un article dans le quotidien sur les démêlés judiciaires de Xavier Niel.
Selon le récit de Vittorio de Filippis, il a été emmené par des policiers sous le regard de ses fils, restés seuls après son départ, et transféré menotté au tribunal de grande instance de Paris.
Après deux fouilles au corps, il a été placé en garde à vue pendant cinq heures, puis mis en examen par la juge qui avait délivré un "mandat d'amener" à son encontre, déclenchant l'opération de vendredi matin.
Dimanche, sur Europe 1, Vittorio de Filippis a jugé que les journalistes avaient malgré tout une "chance énorme" de pouvoir faire connaître leurs déboires et de ne pas en rester là.
"Comment sont traités les étrangers sans papiers qui ne parlent pas français", s'est-il interrogé.
"Sans se prononcer sur le fond de l'affaire", la ministre de la Culture, Christine Albanel a demandé dimanche dans un bref communiqué que "toute la lumière soit faite sur les circonstances" de cette interpellation.
L'UMP, par la voix du député Frédéric Lefebvre, a réclamé une enquête, jugeant les méthodes des policiers "surréalistes" et "disproportionnées".
LE JOURNALISME D'INVESTIGATION EN DANGER?
Martine Aubry, qui a pris les rênes du Parti socialiste cette semaine, a demandé à Nicolas Sarkozy que "la lumière soit faite dans les plus brefs délais sur cette affaire qui constitue manifestement une grave atteinte à la liberté de la presse et aux libertés individuelles".
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé la "démesure avec laquelle sont désormais instruits certains délits de presse" et y voit une "manoeuvre de plus" pour "intimider" les journalistes.
"Une intimidation de plus, une intimidation de trop", s'élève également l'Union syndicale des journalistes CFDT.
"Cette interpellation vient s'ajouter à la tentative de perquisition dans les locaux du Canard Enchaîné, à la très contestée loi sur le secret des sources d'information des journalistes, ou encore aux dix procédures en diffamation récemment engagées par les dirigeants du groupe Caisse d'Epargne contre le site internet d'informations Médiapart", rappelle le syndicat.
Pour Reporters sans Frontières, "traiter un journaliste comme un criminel et recourir à des procédés tels que la fouille au corps est non seulement choquant, mais aussi indigne de la justice française".
Ancien ministre socialiste de la Culture, Jack Lang a écrit dimanche à la ministre de la Justice Rachida Dati. "La France est-elle encore un Etat de droit?", s'interroge-t-il.
"Depuis trop longtemps, notre pays se déshonore par des actes juridictionnels policiers contraires à la Constitution et aux conventions internationales", écrit le député PS. "J'ai honte pour notre pays".