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Le « trouble à l'ordre public » invoqué dans le dossier SNCF
Les commentaires d'internautes dans le flou juridique
LEMONDE.FR | 03.12.08 | 16h24 • Mis à jour le 03.12.08 | 17h14, extrait
Ce qu'il convient désormais d'appeller "l'affaire de Filippis" a provoqué une levée de bouclier autant chez les journalistes que dans la sphère politique. L'interpellation et la mise en examen de Vittorio de Filippis, PDG de Libération entre juin et décembre 2006, est le résultat d'une plainte en diffamation déposée par le fondateur de Free, Xavier Niel. Pendant cette période, le quotidien consacre six articles aux démêlés judiciaires de M. Niel, reconnu coupable de recel d'abus de biens sociaux. Ce dernier porte alors plainte, non pas contre une information parue dans l'un de ces articles, mais contre un commentaire d'internaute publié sous l'un d'entre-eux. La suite est connue : la procédure pour diffamation suit son cours dans l'indifférence générale jusqu'à l'interpellation musclée et la mise en examen du journaliste, considéré comme responsable car également directeur de la publication. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, il existe en effet le principe d'une présomption de responsabilité pénale du directeur de la publication.
Selon la loi pour la confiance sur l'économie numérique (LCEN), en vigueur depuis 2004, il existe trois acteurs sur le Web : les fournisseurs d'accès à Internet, qui donnent l'accès et ne sont pas responsables du contenu des sites ; les hébergeurs, qui assurent la mise à disposition d'informations au public mais ne sont pas soumis à l'obligation de surveillance ; et enfin les éditeurs, professionels ou non, qui sont considérés commes responsables du contenu. Or, relève Me Eric Barbry, avocat spécialisé dans le droit sur Internet, "ce sont des définitions simples mais totalement dépassées qui ont été trouvées il y a presque dix ans". "Un environnement Web 2.0, où on laisse la possibilité aux internautes de s'exprimer, est apparu depuis, explique-t-il. On découvre un quatrième acteur, les personnes qui commentent les articles ou les blogs, et on ne sait pas où les mettre. Les réactions et les commentaires de tiers restent une zone juridique floue", explique l'avocat. Dans le cas de Libération, M. de Filippis est poursuivi en tant qu'éditeur du site du quotidien. Pourtant, aucune loi ne dit explicitement que le directeur de la publication peut être considéré comme éditeur sur Internet. Cela reste à l'appréciation des magistrats qui interprètent seuls la législation.
PARIS (Reuters) 03.12.08 | 18h02 - La notion de trouble à l'ordre public est invoquée par la cour d'appel de Paris à l'appui du maintien en détention de Julien Coupat et sa compagne dans l'enquête sur le sabotage des lignes SNCF, apprend-on de source judiciaire.
"La détention est l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public qu'a provoqué l'infraction en raison de sa gravité et des circonstances de sa commission", écrit la cour à propos de Julien Coupat.
L'arrêt, émis mardi, parle d'une "attaque portée aux moyens de communications majeurs et symboliques dans le cadre d'une action coordonnée traduisant une idéologie et des actes suscitant l'émoi et la terreur".
Julien Coupat, mis en examen notamment pour "direction d'une association de malfaiteurs" à visée terroriste, est présenté par la police comme le chef d'un groupe d'ultra-gauche censé avoir imaginé et effectué le 7 novembre au soir les sabotages.
Des crochets constitués de fers à béton avaient été placés sur des caténaires, ce qui avait amené une coupure de courant et une destruction partielle des lignes au passage des trains.
Les avocats de cet homme de 34 ans et de sa compagne Yildune disent qu'ils sont innocents. Le dossier résulte selon eux d'une construction policière et politique.
Dans son arrêt, la cour d'appel écrit au sujet de Julien Coupat qu'"il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne mise en examen a commis les infractions reprochées".
Elle explique son maintien en détention par la nécessité d'empêcher la concertation frauduleuse entre suspects, la recherche d'autres membres du groupe étant en cours, de "conserver les preuves et indices matériels" et de "mettre fin à l'infraction et de prévenir son renouvellement".
La chambre de l'instruction explique par ailleurs la remise en liberté sous contrôle judiciaire de trois autres suspects par le fait que leur maintien en détention n'était "pas indispensable aux nécessités de l'instruction".