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Retour sur l'affaire Finaly
Retour sur l'affaire Finaly
L'Eglise et les deux enfants juifs
Nouvel Obs n° 2166, semaine du jeudi 11 mai 2006, extraits
Entre 1945 et 1953, le sort de deux orphelins juifs, que l'Eglise a baptisés et cachés, divise la France. L'avocat Germain Latour rouvre le dossier
Début 1944, alors que la défaite de l'Allemagne ne fait plus de doute, la Gestapo met les bouchées doubles, et la chasse aux juifs redouble d'intensité. Le 14 février, le docteur Fritz Finaly et sa femme, deux juifs autrichiens réfugiés en France, sont arrêtés à La Tronche près de Grenoble. Seule consolation, ils avaient peu avant placé leurs deux petits garçons en lieu sûr. Les Finaly font partie d'un des derniers convois pour Auschwitz, d'où ils ne reviendront pas.
[...] Nombreux furent ceux qui, comme François Mauriac, se laissèrent abuser au début par ses protestations de tendresse. En fait, l'enjeu réel de la bataille n'était pas affectif mais religieux. Mlle Brun est d'ailleurs allée jusqu'à faire baptiser Robert et Gérald. Ce qui était un abus scandaleux. D'abord parce que, en dépit du danger, leurs parents les avaient fait circoncire, ce qui prouve qu'ils n'avaient aucune intention d'en faire des catholiques. Ensuite parce qu'en mars 1948, date du baptême, Robert et Gérald n'étaient pas abandonnés. Leur famille les réclamait à cor et à cri.
Comment expliquer l'obstination de Mlle Brun ? Pourquoi refuse-t-elle de lâcher prise alors même que la justice lui en intime l'ordre ? Sur ce point, l'auteur des « Deux Orphelins » ne nous éclaire guère. Son aversion pour Mlle Brun en fait une méchante de mélodrame. Là où il a probablement raison, c'est quand il subodore que la décision de garder les gosses coûte que coûte vient de plus haut.
[...] Si l'affaire Finaly a provoqué de tels remous au sein même de l'Eglise, c'est qu'elle soulevait une question épineuse. Mlle Brun avait sans aucun doute eu tort de faire baptiser les enfants. Mais le sacrement administré était valide. Les rendre à leur famille, les laisser partir pour Israël, c'était les remettre sur le chemin du judaïsme. Donc, selon le dogme catholique, les conduire au péché - mortel - d'apostasie. C'est ici qu'on souhaiterait que l'auteur expose le point de vue des catholiques de façon plus approfondie. Non pour l'approuver, mais pour en comprendre la logique.
«Les Deux Orphelins. L'affaire Finaly 1945-1953», par Germain Latour, Fayard, 570 p., 24 euros