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Jacques Attali : « Hadopi ne servira à rien »
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Jacques Attali : "Hadopi ne servira à rien"
ZDNet.fr | 18.08.2009 | 00:00
Avis d'expert
Quasiment adoptée, la loi Hadopi continue à susciter une forte polémique. Jacques Attali, l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand n'a jamais caché son opposition au texte. Dans une récente interview accordée à Ecrans (Libération), il en remet une couche.
Il faut dire que l'intellectuel a un peu l'impression de s'être fait endormir par le gouvernement. Début 2001, une Commission qu'il présidait rendait à Matignon un rapport fort attendu contenant 300 propositions pour libérer la croissance.
Plus d'un an plus tard, force est de constater qu'en matière de technologies de l'information, les pistes évoquées par Attali sont restées lettre morte. En matière de téléchargements de contenus culturels, le rapport explique que la rémunération des artistes doit être assurée par des mécanismes d'abonnement et par les vrais bénéficiaires du téléchargement : les fournisseurs d'accès Internet. Pour compenser, il faut donc taxer les FAI qui verserait une licence annuelle à l'image des radios.
Le gouvernement a choisi le camp des Majors
"Il convient de faire verser par les fournisseurs d'accès Internet une contribution aux ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective des droits d'auteur, sous la forme d'une rémunération assise sur le volume global d'échanges de fichiers vidéo ou musicaux. Cette contribution, qui pourra être répercutée sur les usagers, assurera une rémunération juste des artistes, en complément des revenus du spectacle vivant, des CD", pouvait-on lire dans le rapport.
Sauf qu'Hadopi et son régime répressif proposent exactement le contraire de cette approche. De quoi énerver encore plus ce spécialiste de la prospective.
Cette loi "ne servira à rien", explique-t-il à Ecrans. Un avis partagé par beaucoup... Pour lui, le problème vient du fait qu'Hadopi a d'abord été pensé pour sauver le modèle économique d'une industrie qui n'a pas été capable de s'adapter.
"Il y a une cohérence. Celle de défendre quelques vedettes politiquement très visibles, mais qui ne représentent rien. Et qui, si on y réfléchit bien, sont surévalués au regard de leur utilité artistique, pour ne pas parler de leur utilité sociale. Ils ne représentent pas la véritable créativité française.
Il est très important que le gouvernement choisisse son camp. Les artistes, en tant que tels, devraient être défendus par les pouvoirs publics, ce qui n'est pas le cas. Pour le moment, il semble avoir choisi le camp des majors et de quelques artistes liés aux majors".
Encore une fois, Attali plaide pour un système de licence global, un système qui semble aujourd'hui faire des émules. Ainsi, Laurent Petitgirard, ex-président du Conseil d'administration de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), propose le concept assez proche de Licence Musique.
Pour six euros par mois, l'internaute aurait accès à des sites officiels de téléchargement de fichiers musicaux, mais sans possibilité de partage. Ici, la Licence Musique serait payée par chaque internaute désireux de télécharger des contenus musicaux. La licence globale, de son côté, imposerait un forfait global payé par les FAI et donc indirectement par tous les abonnés.
"Je souhaite que la Sacem comprenne et reprenne à son compte l'idée qu'il est dans l'intérêt des artistes de récupérer cette recette nouvelle. Et si ça devenait la position officielle de la Sacem, ce serait une avancée considérable.", explique Jacques Attali.
Stratégie d'arrière-garde
En s'obstinant à faire adopter Hadopi, le gouvernement a perdu du temps tout en se trompant de cible. "Si la Sacem avait adopté cette position il y a cinq ans, on aurait aujourd'hui un paysage infiniment plus clair et bien plus profitable aux artistes qui seraient très bien rémunérés via le net.
Ceux qui ne veulent pas comprendre sont en fait en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Ils doivent comprendre que la technologie est en train de bouleverser leur monde, et que ce n'est pas une stratégie d'arrière-garde qui va les protéger. Pas plus que la défense de quelques artistes, qui, eux-mêmes, ne représentent plus la dynamique du futur".
Reste que la licence globale, quelle que soit sa forme, pourrait être difficile à mettre en place, c'est en tout l'argument des Majors et du ministère de la Culture. Un argument balayé par l'intellectuel.
"Au lieu de savoir ce que monsieur X télécharge, on saura combien de fois tel artiste aura été téléchargé. Ce qui est une totale inversion des choses. Il existe déjà des logiciels qui permettent de le savoir. Il n'est pas plus difficile de connaître le nombre de fois où un film a été téléchargé, que de faire le tour de tous les bals populaires pour savoir quelles musiques ont été jouées par les orchestres amateurs, comme le fait la Sacem depuis un siècle".
Et de poursuivre : "(Mais) il ne faut pas que ça ne soit pas le beurre et l'argent du beurre. C'est-à-dire la rémunération en plus de la censure par Hadopi. Mais bien à la place". Ce n'est pas encore gagné...