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La révolte des magistrats se généralise
Reuters - Publié le 08/02/2011 à 11:24 - Modifié le 08/02/2011 à 11:25
La révolte des magistrats se généralise
PARIS (Reuters) - Le mouvement de protestation des magistrats français contre les propos de Nicolas Sarkozy accusant la justice de fautes s'est étendu mardi et touche désormais près de la moitié des juridictions.
Selon l'Union syndicale de la magistrature (USM), principal syndicat de cette profession, 90 juridictions, presque le double par rapport à lundi, renvoient sine die toutes les audiences non urgentes, comme celles où personne n'est détenu.
Ce bras de fer entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire est sans précédent par son ampleur en France et en Europe.
L'extension du conflit intervient au lendemain de déclarations du Premier ministre François Fillon, qui a répété lundi qu'un dysfonctionnement punissable de sanctions s'était produit dans l'affaire Laëtitia Perrais, une jeune fille dont le corps démembré a été retrouvé la semaine dernière.
"Les magistrats sont tellement ulcérés qu'ils se disent prêts à toute forme d'action, comme bloquer la machine", a dit Christophe Régnard, président de l'USM.
Le mouvement devrait encore s'étendre, des assemblées générales étant programmées partout en France ce mardi, notamment à Paris, le plus grand tribunal du pays, dit l'USM.
Fait exceptionnel, la Cour de cassation, plus haute juridiction du pays, tiendra aussi une réunion, a priori jeudi.
Les instances non syndicales représentant les procureurs et procureurs généraux - pourtant liés au pouvoir politique -, ainsi que les présidents de cours d'appels et de tribunaux soutiennent le mouvement de même qu'une vingtaine d'organisations d'avocats, de personnels de justice, de l'administration pénitentiaire et deux syndicats de police.
BAROIN DÉFEND LE BUDGET
Les juges sont accusés par l'Elysée et le gouvernement de négligence dans le suivi d'un homme sorti de prison en février 2010, Tony Meilhon, suspecté d'avoir tué Laëtitia Perrais.
Condamné 15 fois, le suspect n'a pas été libéré sur décision d'un juge mais avait purgé durant onze ans toutes ses peines, sans réduction. Il devait respecter, dans le cadre d'une dernière condamnation, une "mise à l'épreuve".
Avec l'accord écrit des autorités, son suivi - obligation de rechercher un emploi et de voir un médecin - n'avait pas été appliqué faute d'effectifs, comme pour plus de 800 autres détenus en Loire-Atlantique. Il y a 17 agents de probation à Nantes pour 3.300 dossiers.
Le dossier remet en lumière la pauvreté matérielle du système judiciaire français, classé en 2010 par le Conseil de l'Europe au 37e rang continental pour le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) par habitant consacré à la justice. Le budget pour 2011 pour la justice est de 7,1 milliards d'euros, soit environ 2,5% du budget de l'Etat.
Le ministre du Budget François Baroin a cependant souligné lundi sur France 2 que le budget augmentait depuis 2002, ainsi que les effectifs. "C'est pas un problème de moyens, c'est un problème d'état d'esprit", a-t-il estimé.
"Il ne faut pas un repli sur soi, il ne faut pas donner l'impression de ne pas accepter le sens des responsabilités, de ne pas accepter qu'il y ait eu des fautes", a-t-il ajouté, parlant de "corporatisme".
François Fillon a qualifié lundi d'"excessive" la réaction des magistrats, tout en annonçant un rapport sur les moyens dont dispose la justice française.
Le Parti socialiste dit de son côté soutenir le mouvement et le député André Vallini, spécialiste des questions de justice, a exhorté le gouvernement à proposer des moyens supplémentaires.
Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse