« Fukushima : du combustible a fondu, forte radioactivité mesurée en mer | Japon : Le taux de radioactivité explose à Fukushima » |
Les atomes crochus des politiques avec le nucléaire
Les atomes crochus des politiques avec le nucléaire
Lundi 14 mars 2011 - Slate.fr, extrait
En France, le nucléaire civil bénéficie d'un large consensus, et surtout d'un large réseau politique tout acquis à sa cause.
L'occasion est trop belle: sur l'air du «on vous l'avait bien dit», les Amis de la Terre, Greenpeace ou le réseau Sortir du nucléaire appellent les responsables politiques à en finir avec l'atome. Jusqu'à Daniel Cohn-Bendit qui demande un référendum sur la sortie du nucléaire.
En France, Fukushima pourrait d'ailleurs signer le retour en grâce des énergies renouvelables, aujourd'hui bloquées, après avoir été portées aux nues par le Grenelle de l'environnement. Mais rien n'est moins sûr. L'opinion publique est globalement favorable à l'énergie nucléaire, et EDF figure de longue date parmi les entreprises préférées des Français.
Surtout, le nucléaire civil bénéficie d'un large consensus politique. Voulue par le général de Gaulle, la construction d'un parc garantissant environ 80% des besoins du pays en électricité n'a depuis jamais été remise en cause, quels que soient les gouvernements au pouvoir. A l'exception des écologistes, anti-nucléaires historiques, à droite comme à gauche, l'unanimité est la règle.
Les antinucléaires, un lobby à quatre voies
Samedi 19 mars 2011, Slate.fr, extraits
La catastrophe nucléaire qui frappe le Japon leur a redonné de la voix. Télé, journaux, web, manifs… : les opposants de l’atome sont scientifiques, journalistes, politiques, agitateurs et nombreux.
Y a-t-il un lobby des antis comme il existe un lobby du nucléaire? Non au sens où ce lobby disposerait d’un important relais politique qui lui permettrait d’infléchir la politique énergétique française. Oui au sens où le réseau ou plutôt la nébuleuse des antis est incontestablement actif. Mais il reste divisé, donc peu structuré.
Historiquement, l’opposition au nucléaire est un mouvement pacifiste résultant des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, qui s’élargit ensuite au refus du nucléaire civil. En France, ce mouvement émerge dans les années 1970, avec des marches de protestation contre les centrales du Bugey, de Fessenheim, à Creys-Malville (Superphénix, 1976-1977) et, surtout, à Plogoff. Dans cette commune du Finistère, une importante mobilisation (100 à 150.000 manifestants en mai 1980) conduira l’année suivante le gouvernement de François Mitterrand à abandonner le projet. Un fait sans précédent — ni suite.
Depuis cette victoire historique, l’opposition au nucléaire a perdu en visibilité, la France s’accoutumant à vivre avec. Mais les «antis» savent mettre à profit incidents et accidents pour retrouver de la visibilité médiatique. L’accident de Tchernobyl (1986) et le drame japonais de mars 2011 en donnent la preuve. Mais si ces accidents coïncident avec l’acmé protestataire, les antis mènent régulièrement des actions destinées à alerter populations et médias; le blocage des trains transportant des déchets nucléaires est devenu un rituel.
[...] L’accident de Fukushima Dai-ichi, occasion inespérée de réclamer la fin du nucléaire. enthousiasme, au moins dans les premières heures, les a conduits à reléguer au second plan le drame vécu par la population japonaise, d’où l’intervention assassine de Ségolène Royal: «Je pense qu'il y a un délai de décence et de respect», déclare-t-elle au micro de France Inter le 14 mars. Sur Twitter, une de ses proches, Delphine Batho, enfonce le clou: «Ne pas croire à la langue de bois du lobby nucléaire, ni céder à une récup' indécente des Verts.»
Immédiatement, Cécile Duflot lui répond via un tweet qui énonce la ligne de défense: «Ce qui est monstrueusement indécent madame ce sont ces propos. Les Verts alertent sur le risque depuis 30 ans!!!!!!!»
[...] Impossible de terminer ce tour de piste sans parler des «CSP ++». Dans les opposants au nucléaire, on compte aussi des juristes, des consultants, des journalistes... Des juristes parce que les combats se mènent au prétoire plus souvent qu’à la télé. France nature environnement anime un important réseau de juristes spécialisés en droit de l’environnement. Benoist Busson est l’avocat de Sortir du nucléaire, Alexandre Faro celui de Greenpeace, tandis que Corinne Lepage s’implique davantage dans des dossiers locaux, tel celui de Stop Fessenheim. Dans tous les cas, il s’agit de défendre des clients par conviction ou pour son image de marque de marque: «Plaider contre le nucléaire, ça ne rapporte rien…», soupire un avocat du secteur.