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Pentagone : Bouygues nie les accusations
Autour du lecteur DVD, des képis s’affairent et bientôt paniquent. Sur les huit auditions filmées de Stéphane Moitoiret en garde à vue, la première manque. C’est justement celle que la défense désire visionner. “On a eu un problème technique lors du transfert des données” s’excuse l’informaticien de la brigade. Perte irrécupérable, le disque dur ne répond plus… M e Franck Berton explose : “Par conséquent, le rapport des scellés constitue un faux en écriture et nous déposons plainte !” Le fâcheux incident, dans le meilleur des cas, jette un soupçon d’amateurisme sur les enquêteurs. Me Gilbert Collard vole à leur secours : “On leur demande de travailler à l’américaine et ils se déplacent encore en 4L…”
La séance vidéo montrera, par extraits, les auditions ultérieures de l’accusé. Le voici, le 4 août 2008, cheveux longs et débit facile, “cuisiné” dans les locaux de la gendarmerie. Décontracté, plutôt “beau gosse”, il soutient facilement l’interrogatoire. Une seule chose demeure frappante : son absence totale d’affect à l’évocation des horreurs. Le vagabond, sans trop divaguer avec sa “mission divine”, s’applique surtout à nier le meurtre. Et lorsque des preuves scientifiques l’accablent : “J’ai peut-être été manipulé à faire des choses sans m’en rendre compte”. Son corps aurait agi contre son esprit, ou alors l’inverse, on ne sait plus trop. Attention, il n’évoque ici qu’une “hypothèse”, rien de plus. Parallèlement, d’ailleurs, le suspect soutient mordicus n’être jamais allé à Lagnieu le soir fatidique…
La lumière se rallume dans la salle d’assises, fin de l’intermède audiovisuel. On constate que Stéphane, aujourd’hui hébété et mutique, s’exprimait beaucoup à l’époque des faits. “Pourquoi ce changement d’attitude, faites un effort !” s’agace le président Dominique Bréjoux. Vaine prière, l’autre ne sait que bredouiller “oui, non et je ne sais pas.” Ses propres avocats échouent à lui délier la langue. Me Hubert Delarue : “Parle, je t’en prie. La famille de Valentin y trouvera un soulagement et ça ne changera rien pour toi”.
Le dialogue devient surréaliste : “C’est bien ton ADN qu’ils ont.” “Oui”. “Comment s’est-il retrouvé sur les lieux du crime ?” “ Je ne sais pas”.
Autant causer à un mur. Me Franck Berton s’y essaie à son tour : “Tu nous dis penser tous les jours à la mort du petit garçon. Tu ne crois pas que ses parents aussi, parle !” Un ange passe, chargé de tous les chagrins du monde.
L’ex-pèlerin, en dépit du chœur des suppliants, refuse d’aller à confesse. Il se montre pourtant capable, entre deux délires ésotériques, de s’adapter à la réalité. Son silence à l’audience intrigue. Simulation de circonstance ou fruit d’une profonde schizophrénie ? Noëlla Hego, qui fut Sa Majesté et compagne pendant vingt ans, l’exécute : “Je pense qu’il y a une part de fourberie, de malignité et d’hypocrisie chez lui.” Elle rappelle leur dispute quelques heures avant l’assassinat : “Je lui ai dit de partir définitivement. Il est sorti furieux et s’est vengé sur n’importe qui.” Une scène conjugale entre deux malades mentaux débouche sur le massacre d’un innocent gamin. Me Berton : “Regarde-la, ta princesse, elle te traite de menteur. Tu l’aimes encore ?” Un murmure monte du box : “Oui”.
Après sept jours de débats, le procès revient à son point de départ. À Bourg-en-Bresse, est-on en train de juger un fou irresponsable ? Peu éclairés par la cacophonie des psychiatres, les jurés devront décider seuls. La défense n’a pas obtenu la nouvelle expertise - dite “de consensus”- qu’elle réclamait. Vu le contexte, de toute façon, le verdict ne sera pas consensuel…
Cet après-midi, l’avocat général va se lever pour requérir.