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Julian Assange, un héros assiégé
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Julian Assange, un héros assiégé
Reportage – Le créateur de WikiLeaks se débat entre une menace d'extradition vers la Suède, un site suspendu et des problèmes financiers. Mais il continue de résister, persuadé d'être la cible d'un complot.
Par Yves Eudes et Olivier Truc, extrait
Tout a commencé en août 2010. Alors que Julian Assange, citoyen australien, séjourne en Suède où il comptait s'installer car WikiLeaks y compte de nombreux soutiens, il est accusé d'agressions sexuelles par deux femmes de son entourage - des histoires de préservatifs volontairement oubliés, ou ôtés trop tôt... En octobre, alors que l'enquête est en cours, il quitte la Suède pour Londres d'où il doit organiser la publication des documents militaires et diplomatiques américains, en partenariat avec cinq journaux (dont Le Monde). Face aux accusations des Suédoises, il affirme qu'elles ont recherché activement sa compagnie, et que toutes les relations sexuelles ont été consenties. Persuadé d'être au centre d'un bouleversement planétaire de la diplomatie et des médias, Julian Assange considère qu'il n'a pas de temps à perdre avec cette petite affaire. Erreur : une procureure suédoise lance contre lui un mandat d'arrêt européen. Il change alors de registre et contre-attaque avec deux arguments. D'une part, il se dit victime de l'acharnement judiciaire d'une procureure ultra-féministe, appuyée par un réseau militant dont fait partie l'une des plaignantes. Il va jusqu'à traiter la Suède d'" Arabie saoudite du féminisme ". D'autre part, il évoque une conspiration ourdie par le gouvernement des Etats-Unis qui ne lui pardonne pas la publication de ses documents secrets. S'il était expédié en Suède, il craint que les Suédois, soumis aux pressions intenses de Washington, décident à leur tour de l'extrader, cette fois vers les Etats-Unis. La Suède serait donc à la fois une " Arabie saoudite " et une république bananière. A S-tockholm, ce flot d'insultes n'arrange pas le cas de Julian Assange. Le premier ministre en personne s'en émeut.
Cela dit, le leader de WikiLeaks a quelques raisons d'avoir peur des Américains. Après la publication des documents secrets de l'US Army puis du département d'Etat, il est violemment attaqué par de nombreux hommes politiques et plusieurs hauts fonctionnaires de Washington. Le ministère de la justice n'hésite pas à constituer un " grand jury " chargé de réunir des éléments permettant de l'inculper. L'objectif est de prouver qu'il a été en contact direct avec Bradley Manning, le soldat américain soupçonné d'avoir envoyé les documents à Wiki-Leaks et incarcéré depuis mai 2010. Si la collusion entre les deux hommes était établie, par exemple grâce à des courriers électroniques, Julian Assange serait passible des tribunaux américains.