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ACTUALITÉ > Le Figaro Magazine Affaire Merah : «J'ai vécu deux ans avec un tueur»
Mots clés : Tuerie de Toulouse, Mohamed Merah
Par Cyril Hofstein Mis à jour le 30/03/2012 à 18:04 | publié le 29/03/2012 à 13:41, le Figaro
De 2006 à 2008, Marco* a côtoyé Mohammed Merah au Centre de formation des apprentis (CFA) de Toulouse, où tous deux suivaient les cours de l'atelier carrosserie. Choqué, il revient sur une rencontre qui, aujourd'hui, a changé sa vie.
«Quand j'ai entendu son nom à la télévision, c'est comme si le sol s'était écroulé sous mes pieds. Je me suis dit que ce n'était pas possible. Que c'était un type qui portait le même nom. Et puis, j'ai dû me rendre à l'évidence. C'était bien le Mohammed Merah que je connaissais. Pendant deux ans, j'ai vécu à côté d'un tueur. J'en ai une boule au ventre qui ne part pas.» Un instant, Marco* se tait, à la terrasse d'un des grands cafés de la place du Capitole, à Toulouse. Puis il reprend, cherchant ses mots.
«À l'époque du CFA, on déjeunait ensemble tous les midis. Il ne mangeait pas de porc, mais il buvait de l'alcool et fumait. Jamais il ne parlait de religion. Il savait que j'étais catholique mais c'était tout. On ne se voyait qu'en cours. Jamais en dehors. On ne venait pas du même milieu, même si nous partagions pas mal de trucs. On aimait les voitures, la mécanique, la carrosserie... On ne parlait que de ça. Il habitait la cité des Izards et avait tous les signes extérieurs du petit voyou. Un branleur comme j'en ai vu des tonnes. Pourtant, il était incroyablement doué en carrosserie. Il avait des mains en or. Après ce qui s'est passé, je n'ai pas envie de l'enfoncer, mais on savait tous qu'il volait. A plusieurs reprises, dans l'atelier, il avait piqué des outils, des pistolets à peinture et des ponceuses. Mais il ne fichait pas le bordel en cours. On ne savait pas à l'époque qu'il avait été condamné à de la prison avec sursis. En tout cas il n'en parlait jamais. Tous les matins ou presque il venait avec un scooter ou une moto différente. On se doutait bien qu'il les “empruntait” quelque part... Mais bon...»
À nouveau, Marco se tait. Puis il poursuit: «Parfois, après avoir séché les cours pendant toute une semaine, il venait le vendredi matin. Un jour je lui ai demandé ce qu'il faisait là. Qu'à mon avis cela n'avait pas de sens de ne se pointer que pour quelques heures. Alors il me répondait que c'était son frère qui le poussait à revenir en cours. Il lui disait que c'était important de suivre une formation et de tourner le dos aux conneries... Vous vous rendez compte? Son frère! Ce même frère qu'on accuse aujourd'hui d'avoir participé à tout ça... Je n'arrive pas à y croire. Quand je repense à tout ça, c'est comme si j'étais passé à côté. Comme si j'avais connu un autre homme. Il a dû se faire retourner en prison.»
«Un jour, continue Marco, entre deux cours à l'atelier, comme il savait que je conduisais plutôt pas mal et que j'aimais bien la vitesse, il m'a fait venir à l'écart pour me proposer de participer à un transport de “marchandises” entre l'Espagne et la France. On allait s'éclater, me disait-il. On foncerait à 300 km/h sur l'autoroute. Ce serait génial. J'avais refusé et on n'en avait plus jamais reparlé. Avec le recul, je me suis rendu compte qu'il voulait me faire faire un “go-fast” (une livraison de drogue par la route à bord de grosses cylindrées, NDLR). Est-ce que ça voulait dire qu'il avait des liens avec des vrais voyous de cité? Aujourd'hui, je me pose la question.»
«En fait, ce que préférait Mohammed, poursuit Marco, c'était se donner en spectacle. Et pour ça il était tout sauf discret. Il faisait des rodéos en voiture et en moto dans les quartiers autour du Mirail, dans la cité des Izards, à Bagatelle. Et presque tous les soirs à la sortie du CFA, on avait droit à un show. A fond et le plus souvent sans casque, pendant dix minutes au moins, il multipliait les cascades. On se croyait au cirque! Il était malin, il aimait bien faire de la provoc et chambrer les gens. Mais au CFA, cela restait bon enfant. Sa passion, c'était de faire des vidéos de ses courses à fond sur la rocade et de ses rodéos en moto, et de les mettre en ligne. Il filmait tout ce qu'il faisait...» En finissant sa phrase, Marco semble soudain sonné par ce qu'il vient de s'entendre dire. «En fait, je savais qu'il n'allait pas se rendre aux policiers du Raid. J'ai toujours su qu'il aimait se mettre en scène et qu'il était capable d'aller très loin. Il voulait tout le temps faire le beau. Maintenant, l'image que j'ai de lui, c'est la gamine qu'il a tuée...»
* Le prénom a été changé.