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Arnaud Lagardère obtient réparation contre la France
La condamnation de Lagardère en 2006 à 14 millions de dommages-intérêts jugée "inéquitable"
Le Monde.fr | 12.04.2012 à 14h36 • Mis à jour le 12.04.2012 à 15h52
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé jeudi 12 avril que la France avait violé le droit à un procès équitable d'Arnaud Lagardère en le condamnant en 2006 à des réparations civiles sur la base d'une condamnation pénale post mortem de son père. La Cour a également considéré que la France avait violé le droit à la présomption d'innocence de Jean-Luc Lagardère.
Le fils et la veuve de Jean-Luc Lagardère avaient été définitivement condamnés en 2006 à verser 14 millions d'euros au groupe Lagardère SCA, en raison d'un abus de biens sociaux commis par la société familiale Arjil, dont la justice a reconnu coupable feu M. Lagardère après son décès en 2003. La CEDH a estimé qu'une juridiction ne pouvait "prononcer post mortem la culpabilité pénale d'un prévenu qui mette en cause les héritiers".
Dans son arrêt, qui peut être contesté par les parties dans un délai de trois mois, la Cour a condamné la France à verser 10 000 euros à Arnaud Lagardère au titre de son préjudice moral, mais ne lui a pas accordé les quelque 14 millions d'euros qu'il réclamait au titre de son préjudice matériel. Selon la jurisprudence de la CEDH, il n'est pas fait droit à un dédommagement pécuniaire tant que subsiste un doute sur le résultat de la procédure si toutes les règles de droit avaient été respectées.
ABUS DE BIENS SOCIAUX
Les 14 millions d'euros de dommages et intérêts ont déjà été versés par les héritiers Lagardère, a précisé l'avocat du requérant, Me Jean-Pierre Spitzer. La cour d'appel de Versailles avait condamné en juin 2005 Arnaud et Betty Lagardère à verser cette somme au groupe Lagardère SCA, en estimant que leur père et mari s'était rendu coupable d'abus de biens sociaux avec la société Arjil, pour un montant total de 14 millions d'euros.
Arnaud Lagardère avait contesté devant la Cour de cassation la compétence de la juridiction, le juge pénal ne pouvant statuer sur l'action civile après le décès d'un prévenu que si un jugement sur le fond a été prononcé. Mais la Cour de cassation avait confirmé la compétence et l'arrêt de la cour d'appel.
La mise en cause civile d'Arnaud Lagardère en sa qualité d'ayant droit découle directement du constat de la culpabilité de son père, constatent les juges européens. Or, rappellent-ils, le fait de condamner en son absence un prévenu sans lui accorder la possibilité d'être rejugé constitue un "déni de justice". "Il ne fait aucun doute que cette jurisprudence trouve nécessairement à s'appliquer, a fortiori, lorsqu'une déclaration de culpabilité intervient non seulement in absentia mais post mortem", soulignent-ils.
Arjil, détenue par Jean-Luc Lagardère et son fils Arnaud, avec respectivement 80 % et 20 % des parts, avait perçu de 1988 à 1992 0,2 % du chiffre d'affaires annuel de Matra et Hachette, pour des prestations ne justifiant pas un tel montant, selon un groupe d'actionnaires qui avait porté plainte en 1992.