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L'augmentation de capital de la SocGen, un succès
PARIS/NEW YORK (Reuters) - Un courtier d'une filiale de la Société générale a été interpellé et placé en garde à vue mercredi dans l'enquête sur Jérôme Kerviel, trader de la banque auquel est imputée une perte record pour l'histoire financière de 4,9 milliards d'euros, a-t-on appris de source judiciaire.
Ce nouveau rebondissement est intervenu au lendemain de l'annonce du succès de l'augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros lancée par la banque pour consolider sa solvabilité à la suite de cette affaire révélée fin janvier.
Ses suites judiciaires ont gagné le terrain financier, un cabinet juridique américain annonçant avoir déposé une plainte en nom collectif contre la Société générale auprès d'un tribunal fédéral de New York.
Cohen Milstein Hausfeld & Toll PLLC reproche à la banque d'avoir trompé les marchés sur son exposition aux crédits "subprime", l'insuffisance de ses contrôles ainsi que son absence de réaction aux éléments en sa possession "sur les transactions des plus irrégulières et non autorisées" effectuées par Jérôme Kerviel.
La plainte vise en outre le chef d'accusation de délit d'initié à l'égard de Robert A. Day, un administrateur de la Société générale qui a vendu des actions de la banque en janvier, avant l'annonce des pertes provoquées par le trader et de dépréciations supplémentaires liées à la crise des marchés du crédit.
La Société générale s'est refusée à tout commentaire sur cette initiative. Mais elle a confirmé le placement en garde à vue d'un de ses employés dans le cadre de l'enquête judiciaire sur Jérôme Kerviel.
PERQUISITION
Le cabinet du procureur de Paris s'est montré prudent sur les éventuelles conséquences judiciaires de l'arrestation du proche de Jérôme Kerviel, annoncée par Europe 1. "Il ne s'agit pas d'un rebondissement, les enquêteurs ferment simplement une porte", a-t-on expliqué à Reuters.
La police a perquisitionné dans les salles de marché de la Société générale, à la Défense, à l'étage de SG Securities, la filiale de courtage actions de la banque, où travaille l'homme arrêté.
SG Securities intervient sur les marchés d'actions au comptant pour le compte de la clientèle, même si elle a une petite activité de trading pour compte propre, mais pas sur les marchés dérivés sur lesquels opérait Jérôme Kerviel.
La nouvelle arrestation est intervenue à deux jours de l'examen par la chambre de l'instruction de Paris d'une demande de remise en liberté du jeune trader, écroué depuis le 8 février. L'irruption d'un supposé protagoniste nouveau dans le dossier est susceptible de peser.
"A l'avant-veille d'un débat sur une demande de remise en liberté, on invente de nouveau un complice. Ce n'est pas le fruit du hasard, on essaie d'une manière indirecte d'influencer des juges", a estimé sur Europe 1 Me Elisabeth Meyer, l'avocate de Jérôme Kerviel.
Le nouveau suspect pourra rester jusqu'à deux jours en garde à vue à la Brigade financière. S'il est ensuite présenté aux juges d'instruction Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, il peut être mis en examen ou être entendu comme témoin assisté.
Ce dernier cas de figure s'était déjà présenté avec un autre courtier d'une autre filiale de la Société générale, Moussa Bakir, placé en garde à vue la veille de l'examen de la demande d'incarcération de Jérôme Kerviel.
Pour envoyer Jérôme Kerviel en prison, la cour d'appel avait suivi le parquet en disant notamment vouloir "empêcher la concertation avec d'éventuels complices ou co-auteurs". Mais le 9 février, après sa garde à vue, Moussa Bakir a été entendu comme témoin assisté et n'a donc pas été poursuivi.
"MOULIN À RUMEURS"
Mis en examen le 28 janvier pour "faux, usage de faux, abus de confiance et introduction dans un système de traitement automatisé de données", Jérôme Kerviel avait été laissé initialement en liberté sous contrôle judiciaire par les juges.
Les juges et la police examinent depuis le début de l'affaire la possibilité d'éventuelles complicités, le trader affirmant que sa hiérarchie connaissait ses agissements et avait fermé les yeux.
Il a été auditionné à quatre reprises par les juges et confronté la semaine dernière à son supérieur hiérarchique direct. La Société générale continue de parler de "fraude" d'une ou plusieurs personnes et dit n'avoir rien vu avant la découverte, le 18 janvier, des importantes positions - jusqu'à 50 milliards d'euros en valeur notionnelle - accumulées sans autorisation par Jérôme Kerviel.
L'augmentation de capital bouclée par la Société générale dans un marché difficile, si elle replace la banque sur des rails solides, n'a pas dissipé les spéculations sur son avenir et sa capacité à rester indépendante.
La Tribune a relancé mercredi le scénario d'une offre de sa grande rivale BNP Paribas en indiquant que celle-ci pourrait dévoiler ses intentions juste avant l'assemblée générale annuelle de la Société générale, prévue le 27 mai.
"C'est toujours le 'moulin à rumeurs'", a réagi un porte-parole de BNP Paribas, ajoutant, sur un ton ironique, que "l'article ne précise pas s'il s'agit de mai 2008 ou mai 2014".