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Un mariage annulé car l'épouse avait menti sur sa virginité
LILLE (France) (AFP) - La justice française a annulé un mariage au motif que l'épouse, de religion musulmane comme son mari, avait menti sur sa virginité, a-t-on appris jeudi auprès de l'avocat du mari, Me Xavier Labbée.
L'union a été annulée "pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint" par un jugement du tribunal de Lille (nord) rendu en avril.
Alors que sa fiancée lui avait affirmé qu'elle était chaste, une valeur essentielle pour lui, l'homme avait découvert le soir de leurs noces, le 8 juillet 2006, qu'elle ne l'était pas.
L'avocat a justifié sa décision de recourir à une procédure d'annulation, qui revient à considérer que le mariage n'a jamais eu lieu, plutôt qu'à une procédure plus courante de divorce.
"Le divorce sanctionne un manquement aux obligations issues du mariage (...) Ici, il y a un vice dès le départ", a-t-il expliqué.
Le tribunal a estimé que l'époux avait conclu cette union "sous l'empire d'une erreur objective" et qu'"une telle erreur était déterminante dans son consentement", selon le jugement publié dans la revue juridique le "Recueil Dalloz".
Cette décision est "parfaitement logique", a estimé Me Labbée, car "l'épouse a reconnu qu'elle avait menti".
Pour Me Labbée, la question de la religion n'est "pas essentielle". "Il faut ramener la question au mensonge. La solution aurait été la même pour quelqu'un ayant (...) caché quatre pages de casier judiciaire, le fait d'avoir déjà été plusieurs fois marié ou de s'être prostitué", a-t-il noté.
"C'est la question d'une qualité qui a été dissimulée", a-t-il ajouté. Il a cité une décision judiciaire de 1862, annulant un mariage au motif que la femme avait découvert que son mari était un ancien bagnard.
La philosophe et écrivain française Elisabeth Badinter a dit jeudi sa "honte" pour la justice française après la décision du tribunal de grande instance de Lille d'annuler un mariage parce que l'épouse du futur mari, musulmane comme lui, n'était pas vierge.
"Je suis ulcérée par la décision du tribunal d'accepter de juger ça parce que la sexualité des femmes est une affaire privée et libre en France, absolument libre", a déclaré Mme Badinter sur France Inter.
"Très inquiète" de ce jugement annulant un mariage "parce que la jeune femme n'est pas vierge et a menti sur sa virginité", Mme Badinter estime que "ça aboutit tout simplement à faire courir nombre de jeunes filles musulmanes dans les hôpitaux pour se faire refaire l'hymen. Et par conséquent au lieu pour un tribunal de défendre les femmes, de défendre ces jeunes femmes, au contraire il accentue la pression sur elles".
"Et je vous dis franchement, je pense à cette malheureuse jeune fille, humiliée, publiquement humiliée, revenant dans sa famille, ce qu'elle a dû vivre a dû être épouvantable. J'ai honte que la justice française n'ait pas pris a coeur de défendre toutes ces jeunes filles", a-t-elle conclu.