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Mariage annulé : la magistrate lilloise a reçu des menaces, selon Mme Dati
PARIS (AFP) - La magistrate du tribunal de grande instance de Lille, dont la décision d'annuler un mariage parce que l'épouse avait menti sur sa virginité, a reçu "des lettres de menace", a affirmé dimanche la ministre de la Justice Rachida Dati, regrettant un "emballement" autour de cette affaire.
La magistrate "a reçu des menaces (...), des lettres de menaces", a déclaré sans autre précision sur Canal+ Mme Dati.
Interrogé par l'AFP, le parquet de Lille a confirmé ses déclarations.
"La magistrate a déposé plainte pour outrage à magistrat et une enquête est en cours", a indiqué le procureur de la République, Philippe Lemaire, précisant qu'il s'agissait de "lettres anonymes".
Sur le fond du dossier, Mme Dati a demandé cette semaine au parquet de faire appel de ce jugement alors qu'elle avait estimé d'abord qu'il pouvait être un moyen de "protéger" les personnes.
"Je n'ai pas changé d'avis", a insisté la garde des Sceaux. "J'ai fait appel pour que les avocats puissent étayer leurs conclusions, leurs demandes", a-t-elle expliqué en soulignant également que la procédure d'appel prévoit qu'"il y aura trois magistrats (et non plus un seul, ndlr) qui rendront une décision plus circonstanciée".
La ministre a répété que cette décision avait pour but de "protéger" l'épouse. "Toute décision de justice est une décision protectrice", a-t-elle dit en déplorant qu'"il y (ait) eu des emballements".
Sur le fond du dossier, Mme Dati a expliqué que "ce n'est pas la non-virginité qui a impliqué l'annulation du mariage. C'est qu'il y a eu mensonge", en vertu de l'article 180 du Code civil qui permet l'annulation du mariage en cas d'erreur "sur les qualités essentielles de la personne".
Rejetée par son mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces, le 26 juillet 2006, qu'elle n'était pas vierge, l'épouse avait accepté - après s'y être opposée - l'annulation voulue par son époux, devant la crainte d'une procédure trop longue.
Son "acquiescement" à cette annulation "n'était pas un acte de soumission mais de libération", a souligné l'avocat de la jeune femme.
LILLE (AFP) - Alors que quelques centaines de personnes ont manifesté samedi pour dénoncer l'annulation par la justice d'un mariage parce que l'épouse avait menti sur sa virginité, celle-ci apparaît dépassée par la polémique suscitée et craint les conséquences de l'appel du parquet.
"Quand elle a appris (la médiatisation de l'affaire, ndlr), elle a été très traumatisée, elle était en larmes" et depuis l'appel du procureur de la République de Lille, "elle va très, très, très mal", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Charles-Edouard Mauger.
"J'ai ma vie à reconstruire, je n'ai pas à être victime du système politique. Je ne sais pas qui a l'idée de réfléchir pour moi, je n'ai rien demandé", a-t-elle ainsi affirmé à son conseil, en soulignant son opposition à la décision d'appel.
D'origine marocaine, âgée d'une vingtaine d'années, la jeune femme, musulmane comme son époux, est devenue, en quelques jours, à son insu l'emblème des femmes bafouées et a vu dans le même temps la maîtrise de sa vie lui échapper.
Rejetée par son mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces, le 26 juillet 2006, qu'elle n'était pas vierge, elle avait accepté - après s'y être opposée - l'annulation voulue par son époux, devant la crainte d'une procédure trop longue.
Son "acquiescement" à cette annulation --basée sur l'article 180 du Code civil qui prévoit une telle possibilité en cas d'erreur "sur les qualités essentielles de la personne"-- "n'était pas un acte de soumission mais de libération", a souligné son avocat.
"C'était un acquiescement à la demande en nullité, mais pas au motif de la demande : la nuance est très importante", a ajouté Me Mauger, en soulignant que sa cliente avait été "très choquée par les termes de l'assignation".
Rendue publique par les médias le 29 mai, la décision du TGI de Lille, rendue en avril, avait immédiatement provoqué un tollé, du monde politique au milieu associatif.
Après avoir souligné que cette procédure pouvait être un moyen de "protéger" les personnes, la garde des Sceaux, Rachida Dati, avait finalement demandé que le parquet de Lille interjette appel, ce qu'il a fait mardi.
Le procureur a également demandé en référé "l'arrêt provisoire de l'exécution du jugement" pour empêcher son enregistrement à l'état civil, l'avocat du mari s'étant présenté en mairie pour faire transcrire l'annulation sur l'acte de mariage. Cette demande sera examinée jeudi par le premier président de la cour d'appel de Douai.
Rassurées par cet appel mais toujours sous l'émoi de la décision du TGI de Lille, environ 400 personnes au total ont manifesté samedi à Paris, Marseille et Nice à l'appel de l'association "Ni Putes ni soumises" pour le "droit à l'émancipation" des femmes.
"Je comprends la polémique mais elle absorbe ma vie", a déploré auprès de son avocat la mariée, qui souhaiterait avant tout "qu'on respecte (sa) volonté".
Selon son conseil, "une infirmation totale du jugement serait pour (elle) un désastre" et une confirmation, "un soulagement mais avec beaucoup d'angoisse inutile".
"Il aurait été plus serein de ne pas faire appel, de bien poser le débat de société (...) et de s'acheminer vers une modification rapide de l'article 180 du Code civil en indiquant que la notion de non-virginité ne pourrait pas être invoquée en tant que qualité essentielle permettant d'annuler un mariage. Et là tout serait réglé", a-t-il jugé.
« Ce jugement n'est pas conforme au droit »
samedi 07 juin 2008 | Le Parisien
FRANÇOISE DEKEUWER-DÉFOSSEZ, professeur émérite de droit à Lille-II
Comment jugez-vous cette annulation de mariage au motif que l'épouse n'était plus vierge ?
Françoise Dekeuwer-Défossez. Selon moi, elle n'est pas conforme au droit. Je comprends la décision du tribunal, puisque le mari et la femme étaient d'accord, mais juridiquement elle est contestable.
La demande de nullité du mari se fonde sur le mensonge relatif à la virginité de son épouse. Or, le Code civil ne reconnaît pas le mensonge comme une cause d'annulation du mariage. S'il fallait exiger une sincérité totale de la part des futurs époux il n'y aurait plus d'union ! L'erreur, elle, peut constituer un motif de nullité à condition qu'elle porte sur une qualité essentielle de l'un des deux conjoints, en l'occurrence ici, la virginité de l'épouse. Mais je doute que l'on puisse considérer la virginité d'une femme comme une qualité essentielle.
Pourquoi ?
Au regard de la loi les qualités du conjoint doivent être non seulement essentielles aux yeux des époux concernés mais aussi pour la société. La virginité s'est avérée fondamentale pour ce couple - du moins pour le mari -, mais objectivement, elle n'est pas reconnue comme telle par notre société ainsi que le prouve le tollé suscité par ce jugement. Par ailleurs, la liberté sexuelle est inaliénable. Le mariage n'anéantit pas la notion de personne, de vie privée, d'égalité des sexes... Chaque époux a droit à un jardin secret et son passé n'est, a priori, pas susceptible de compromettre la réussite du mariage, à moins de consacrer une sorte d'obligation de fidélité rétroactive.
Quelles « qualités essentielles » peuvent être retenues pour annuler une union ?
Cette notion de « qualité essentielle » est trop floue pour donner lieu à une jurisprudence cohérente. L'état psychique, l'inaptitude sexuelle, le fait de ne pas vouloir d'enfant... sont à l'origine de la plupart des nullités invoquées sur ce point. En clair, tout ce qui touche au coeur du mariage, mais c'est une question très subjective. Les tribunaux ont tendance à faire une interprétation de plus en plus extensive de cette question, surtout quand les deux époux sont d'accord, comme cela semble être le cas dans cette affaire. Les juges doivent se montrer prudents et résister notamment aux sollicitations de toutes les religions, qui ont tendance à leur demander d'ériger leurs convictions en droit.
La ministre de la Justice a-t-elle eu raison de demander au parquet de faire appel ?
Il était indispensable de faire un recours car cette décision du tribunal de Lille est socialement inadmissible. Il aurait été bon de saisir la Cour de cassation pour qu'elle dise le droit. Je trouve en tout cas tout à fait étonnant que l'avocat de l'époux ait pris l'initiative de faire publier le jugement avant l'expiration du délai d'appel, au plus grand préjudice de son client.
Mariage annulé: une affaire privée devenue publique
20Minutes.fr, éditions du 09/06/2008, extrait
Quels sont les arguments en faveur de l'annulation?
Le premier, défendu par la garde des Sceaux, est qu'il a permis de «protéger la jeune fille», dont l'union avec cet homme n'était plus tenable. Dans ce jugement, l'intérêt privé semble en effet avoir primé sur l'intérêt public. Selon Emmanuel Pierrat, avocat au barreau de Paris, «c'est tout l'intérêt et la modernité de la loi de 1975, qui a transformé le mariage en contrat et non plus en sacrement répondant à des critères moraux objectifs».
Selon lui, «il serait dangereux de confier à la société, versatile et pas forcément avant-gardiste, la définition de ces qualités essentielles». Ou bien, suggère-t-il, «peut-être faudrait-il en exclure les mœurs». Reste qu'un «problème de justice peut deviner un problème de société, pas le régler», ajoute l'avocat, qui souligne qu'il vaudrait mieux développer la prévention auprès des femmes et des familles.
Quels sont les arguments contre l'annulation?
Personnalités, élus et associations estiment que la justice française ne doit pas légitimer le fait que la virginité puisse être considérée comme «une qualité essentielle». «C'est une violence faite aux femmes. Preuve en est, on n'exige pas la virginité d'un homme, invérifiable», estime sur 20minutes.fr Najat Belkacem (PS). Un avocat du barreau de Nancy affirme ainsi dans «Libération» que si «le mariage est un contrat réunissant la volonté libre et éclairée de chacun des époux, il reste néanmoins placé sous l’emprise de l’ordre public et en cela intéresse le groupe social. (...) Dès lors, si le désarroi du mari trompé peut apparaître légitime, la virginité de son épouse qu’il avait érigée au rang de “qualité essentielle” n’est cependant pas (plus) reconnue comme telle dans notre société.»
Certains vont ainsi jusqu'à réclamer une «ingérence de l'Etat dans les affaires religieuses», comme Olivia Cattan, présidente de l'association Paroles de femmes. Elle explique à 20minutes.fr qu'«il faut taper du poing sur la table, sinon les affaires comme celle du mariage annulé vont se multiplier». Elle plaide pour une loi mettant fin aux excisions, répudiations et mariages forcés. Lesquels peuvent justement être annulés grâce à l'article 180.