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Un projet de réforme des procédures de naturalisation suscite des inquiétudes
Elus, agents et spécialistes de l'immigration s'inquiètent d'un projet de réforme des procédures de naturalisation
LE MONDE | 28.06.08 | Extrait
Aujourd'hui, un étranger qui veut obtenir la nationalité française doit déposer sa demande auprès de la préfecture de son lieu de résidence, laquelle se charge de constituer un dossier en effectuant les vérifications et enquêtes nécessaires, d'apprécier sa maîtrise du français lors d'un "entretien d'assimilation", et d'émettre un avis. Une fois complet, le dossier du demandeur est adressé à la sous-direction des naturalisations (SDN) près de Nantes (Loire-Atlantique), qui l'instruit et décide d'accorder ou non la nationalité française.
Désormais, la SDN n'aura plus qu'un rôle de réexamen en cas de décision négative et d'édition matérielle des décrets de naturalisation toujours signés par le premier ministre.
Or, une étude réalisée par la SDN à la demande même du ministère de l'immigration témoigne de la très grande hétérogénéité des avis aujourd'hui émis par les préfectures : ainsi, dans les Deux-Sèvres, le risque d'avoir un avis négatif s'élève à 69 %, tandis que dans les Côtes-d'Armor il ne dépasse pas 15 %. "Si les préfectures deviennent décisionnaires, cette grande disparité deviendra la norme, s'alarme Mme Cerisier-Ben Guiga. Or, ne peut y avoir en France 95 manières différentes d'attribuer notre nationalité mais une seule."
Pour ses détracteurs, cette réforme ne peut s'expliquer que par un objectif inavouable : freiner les naturalisations. Aujourd'hui, lorsque les préfectures émettent un avis favorable, la SDN suit à 91 % cet avis. En revanche, lorsque l'avis préfectoral est négatif, Nantes accorde, malgré tout, dans 44 % des cas, la nationalité. "Nous ne nous contentons pas d'avaliser les préfectures", relève Marc Bonnefis (CGT) qui, comme son homologue de la CFDT, Laurent Poiraud, réfute l'argument de la "double instruction" invoqué par le gouvernement pour justifier sa réforme. "Lieu de décision unique, disposant de la distance de la technicité et de l'expertise juridique nécessaires, nous garantissons l'homogénéité des décisions", insiste M. Poiraud.
Aussi, agents comme chercheurs craignent-ils que la déconcentration des décisions ne soit la porte ouverte "au règne des pressions politiques et des dérogations". Sans compter les risques de nomadisme administratif des candidats à la recherche du département le plus ouvert ou le moins lent à traiter les demandes.