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Nucléaire et hasard du calendrier
PARIS (AFP) - Non fonctionnement d'une cuve de rétention, délai dans le signalement de l'incident, absence de chiffre précis sur la radioactivité : plusieurs questions se posent au lendemain de l'annonce de rejets d'uranium à l'extérieur du site nucléaire de Tricastin, dans le Vaucluse.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a indiqué qu'une inspection prévue jeudi allait tenter de faire la lumière sur ce qui s'est passé dans la nuit de lundi à mardi à la société Socatri, filiale d'Areva chargée de traiter et de récupérer de l'uranium enrichi sur le site de la centrale nucléaire par la société Eurodif.
La Socatri a signalé qu'une cuve d'entreposage d'un liquide contenant 12 grammes d'uranium par litre avait débordé lundi vers 23H00 dans une cuve de rétention qui a fui.
Le lendemain, "l'ASN a été prévenue vers 07H30 le matin et l'exploitant a pris la mesure de l'importance du rejet vers midi", a déclaré mercredi le directeur général de l'ASN Jean-Christophe Niel.
Ce délai, expliqué en partie par l'absence de mesure directe du volume de la fuite, est "inacceptable" aux yeux de Greenpeace, qui dénonce la "lenteur", "le manque de transparence" et la "faible réactivité" des intervenants après l'incident.
La quantité d'uranium qui a fui a été révisée mercredi par la Socatri à 75 kg, contre 360 kg annoncés la veille, mais la société n'a pas expliqué comment elle était arrivée à ce nouveau chiffre.
Les préfectures du Vaucluse et de la Drôme ont seulement indiqué, dans un communiqué, que "la société Socatri procède actuellement à la récupération des 150 kg restés sur le site".
La concentration radioactive reste inconnue. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a évoqué "un dépassement d'un facteur 1000, pendant une courte période, de la valeur guide préconisée par l'OMS pour les eaux destinées à la consommation humaine".
Mais mercredi après-midi, plus de 36 heures après l'incident, seul un organisme non officiel, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), avait publié un chiffre précis sur cette concentration, qui dépasse selon elle "d'un facteur 27 la limite maximale annuelle fixée par arrêté interministériel, à savoir au moins 1.918 mégabéquerels pour une limite de 71,7 mégabéquerels".
La Criirad ajoute que la concentration volumique de la radioactivité a été "pulvérisée", avec 300.000 becquerels par litre contre 50 autorisés.
L'organisme indépendant demande des "explications" sur le délai entre l'incident et les mesures prises pour protéger la population, les circonstances de l'accident ainsi que "la composition isotopique des effluents".
Par ailleurs, le classement par la Socatri de l'incident au niveau 1 des accidents nucléaires, qui va de 0 à 7, est contesté par Greenpeace.
"Si l'on suit l'échelle Inès, dès qu'il y a rejet dans l'environnement, un accident doit au moins être classé de niveau 3", selon Yannick Rousselet, responsable Energie de l'organisation écologiste en France.
De son côté, la Fédération nationale pour l'environnement s'est inquiétée de l'exactitude des informations délivrées sur le rejet d'uranium au Tricastin dans un contexte d'information contrôlée selon elle par l'ASN.
Hasard du calendrier, l'ASN organisait mercredi une conférence sur "la gestion post-accidentelle des accidents nucléaires", soulignant qu'elle effectuait un travail de pionnier dans un domaine où n'existe pas encore de "doctrine officielle".
Paris, le 09 juillet 2008
Communiqué de presse de l'Autorité de Sureté Nucléaire
L'élaboration d'une doctrine nationale sur la gestion post-accidentelle d'un accident nucléaire constitue une priorité pour l'ASN
Depuis 2005, l'ASN pilote une réflexion pour élaborer une doctrine nationale sur la gestion post-accidentelle d'un accident nucléaire. Elle s'appuie pour cela sur les travaux du comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d'un accident nucléaire ou d'une situation d'urgence radiologique (CODIRPA) qu'elle a mis en place en juin 2005 et qu'elle préside.
Environ 130 personnes provenant des administrations nationales et départementales, des collectivités territoriales, de différents instituts d'expertise comme l'IRSN et l'InVS, et du milieu associatif participent aux travaux des 11 groupes de travail mis en place par le CODIRPA.
Les résultats des premiers travaux ont fait l'objet d'un rapport, rendu public sur le site de l'ASN (www.asn.fr), et remis au gouvernement en mars dernier. Sur cette base, l'ASN a présenté les travaux réalisés aux services du Premier ministre. Elle a été invitée à rassembler et diffuser une première doctrine opérationnelle courant 2010.
Les premiers travaux du CODIRPA ont porté sur :
- les actions qu'il conviendrait de mener dans les toutes premières heures suivant un accident nucléaire pour décider du maintien sur place ou de l'éloignement des personnes mises à l'abri au cours de la phase d'urgence, pour fixer l'étendue de la zone d'interdiction immédiate de la consommation des denrées alimentaires locales, pour mettre en place des centres d'accueil des populations et pour organiser les mesures de la radioactivité dans l'environnement ;
- l'organisation des pouvoirs publics à moyen et long termes pour définir et mettre en œuvre les actions nécessaires pour améliorer les conditions de vie dans les territoires contaminés ;
- les actions à réaliser dès maintenant pour, par exemple, améliorer les outils d'évaluation des doses et des risques, préparer les outils de recensement des populations pour le suivi sanitaire et l'indemnisation, identifier les lieux d'entreposage des déchets et matières contaminées ou assurer la formation des acteurs et l'information des populations locales.
D'ici 2010, l'ASN s'attachera, avec le CODIRPA, à consolider les premiers éléments de doctrine par la réalisation d'exercices de crise périodiques, à engager des démarches de concertation en direction des associations, du milieu médical, du milieu agricole, du milieu associatif et des collectivités territoriales. L'ensemble des travaux du CODIRPA sera diffusé sur le site de l'ASN. L'ASN souhaite également que la future doctrine française puisse constituer une référence internationale.