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Frégates de Taïwan : non-lieu dans une affaire d'Etat
Monde
Frégates de Taïwan: non-lieu dans une affaire d'Etat bloquée par le secret défense
Sept ans après le début de l'enquête sur les frégates de Taïwan, le juge Renaud van Ruymbeke a rendu mercredi une ordonnance de non-lieu général entérinant l'impossibilité pour la justice à faire la lumière sur cette affaire d'Etat bloquée par le secret défense.
1/10/2008 PARIS (AFP)
Les juges van Ruymbeke et Xavière Simeoni cherchaient à identifier les bénéficiaires en France de rétrocommissions qui auraient été versées après la vente en 1991 de 6 frégates à la marine taiwanaise par Thomson-CSF (aujourd'hui Thales) pour un montant de 2,8 milliards de dollars.
Mais leurs investigations se sont systématiquement heurtées au secret défense que leur ont opposé des gouvernements de gauche et de droite.
A terme, ce non-lieu général, conforme aux réquisitions du parquet de Paris, pourrait avoir de lourdes conséquences financières pour la France.
Taïwan réclame plus d'un milliard de dollars (520 millions, plus les intérêts) aux signataires du contrat "Bravo" (non de code du dossier) qui interdisait le versement de commissions à des intermédiaires sous peine de remboursement.
Or, 70% du contrat des frégates revenait à la Direction des constructions navales (DCN) dont l'intervention dans le dossier était garantie par l'Etat.
Cette procédure ouverte en 2001 devant un tribunal arbitral est toujours en cours.
Les juges français enquêtaient depuis juin 2001 dans le cadre d'une information judiciaire ouverte pour "abus de biens sociaux et recel" après la découverte et le blocage par la justice suisse de 520 millions de dollars sur des comptes de l'homme d'affaires, Andrew Wang, intermédiaire dans la transaction des frégates.
Taïwan a demandé la restitution de l'argent bloqué mais Wang s'y oppose et la justice Suisse n'a pas encore tranché.
Les investigations et commissions rogatoires internationales des juges français ne leur ont pas permis d'identifier les circuits financiers empruntés par ces rétrocommissions supposées, dont auraient pu bénéficier des cadres de Thompson-CSF, des responsables politiques ou des partis français.
Les magistrats espéraient en dernier recours pouvoir remonter cette piste en consultant des documents des douanes qui contiendraient la liste des bénéficiaires de commissions versées à des Chinois et des Taiwanais.
Mais les ministres des Finances, Laurent Fabius (2001), Francis Mer (2002) et Thierry Breton (2006) ont successivement invoqué le secret défense pour refuser de communiquer ces documents.
Dans ce volet principal de ce dossier, un cadre de Thomson-CSF avait été mis en examen, soupçonné d'avoir perçu 150.000 dollars de Wang.
Un volet annexe, également clos par un non-lieu, visait une plainte de Thomson-CSF s'estimant victime d'une escroquerie après un jugement arbitral la condamnant à rémunérer la société Frontier AG, chargée d'influencer les autorités chinoises pour qu'elles ne s'opposent pas à la vente des frégates.
Mais derrière cette coquille, officiellement détenue par l'homme d'affaire chinois Edmond Kwan, l'enquête a montré qu'Alfred Sirven (aujourd'hui décédé) était à la manoeuvre.
Le bras droit du patron d'alors d'Elf, Loïc Le Floch-Prigent, aurait tenté d'infléchir la position du ministre des Affaires étrangères Roland Dumas, hostile au contrat, par le biais de sa maîtresse Christine Deviers-Joncour.
A Taïwan, treize officiers et quinze marchands d'armes ont été condamnés pour "corruption et divulgation de secret militaire".