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Polémique au Québec après la visite de Nicolas Sarkozy
Polémique au Québec après la visite de Nicolas Sarkozy
LE MONDE | 24.10.08 | 15h27, extrait
Dans une lettre ouverte, face à ce qu'il tient pour une "ingérence" dans le débat national, l'ex-premier ministre indépendantiste québécois, Bernard Landry, a demandé, jeudi 23 octobre, à Nicolas Sarkozy de s'expliquer sur ses propos tenus à Québec le 17 octobre. "Les Canadiens sont nos amis et les Québécois notre famille", avait déclaré celui-ci. "La France est un pays qui rassemble et non qui divise", avait-il ajouté précisant que le monde n'a pas "besoin d'une division supplémentaire".
La presse en a déduit que M. Sarkozy était hostile à une partition du Canada, voire qu'on était passé du célèbre "Vive le Québec libre" du général de Gaulle à un "Vive le Canada uni", réjouissant les fédéralistes et choquant les souverainistes québécois. La polémique a aussitôt éclaté.
Point de vue
Quand Sarkozy enterre de Gaulle, par Jean-François Lisée
LE MONDE | 24.10.08 | 14h15, extraits
C'était plus fort que lui. Il ne pouvait pas se taire. C'est en répondant à un journaliste et en affirmant son amitié constante envers le Canada que le président français a affirmé que, "franchement, s'il y a quelqu'un qui vient me dire que le monde aujourd'hui a besoin d'une division supplémentaire, c'est qu'on n'a pas la même lecture du monde". Une division supplémentaire, donc l'indépendance du Québec. Lâchant le morceau, se libérant du carcan diplomatique que lui avaient imposé ses conseillers et son aile gaulliste, il a précisé que la France "est un pays qui rassemble et non pas qui divise". Avant d'ajouter : "Je ne dois pas être le seul à penser ce que je viens de vous dire."
Pourquoi faire ce commentaire ? Le gouvernement québécois du libéral Jean Charest, seul habilité à déclencher un référendum, est procanadien et en début de mandat. La question de l'indépendance n'est donc pas d'actualité.
[...] A la décharge de ses conseillers, il faut dire qu'il n'était nullement question que le président aille aussi loin.
[...] Devant une Assemblée dont la politique d'immigration est plus généreuse que la sienne, il a insisté sur l'erreur que constitue "le repliement sur soi". Il est clair qu'il s'imaginait parler des indépendantistes qui, pendant leurs dix-sept années au pouvoir, ont pourtant été les principaux vecteurs de la présence internationale et du métissage du Québec. La relation entre la France et le Québec, avait ensuite conclu le président, ne peut être féconde qu'à "une condition, c'est qu'on la tourne vers l'avenir, cette alliance, et pas vers le passé." Que de Gaulle se le tienne pour dit.
[...] Le Québec a donc goûté à la méthode Sarkozy en affaires internationales. Un mélange d'impulsivité et d'opinions nourries par ses amis des milieux d'affaires. Une propension à sacrifier les équilibres stratégiques à long terme au profit du gain tactique immédiat. Car le remplacement du "Vive le Québec libre !" du général de Gaulle par le "non à la division du Canada" de Nicolas Sarkozy s'est produit alors que ce dernier tentait de convaincre son hôte, le premier ministre conservateur Stephen Harper, de se joindre à lui dans son projet de sommet mondial sur la refondation du capitalisme. C'était sa tâche du moment. Les états d'âme du Québec ne faisaient pas le poids dans la balance.
[...] Mais, l'essentiel, pour le président, n'était pas que le Québec soit "libre" ou plus simplement "libre de ses choix". L'essentiel était que Nicolas Sarkozy soit libre et soulagé de donner son opinion, quelles qu'en soient les conséquences pour le peuple du Québec.