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Crise financière : les mathématiciens se défendent
Crise financière : les mathématiciens se défendent
lefigaro.fr, 30/10/2008 | Mise à jour : 21:00
L'école française de mathématiques financières est reconnue dans le monde entier. Professeurs et chercheurs analysent les causes de la tourmente.
Les mathématiciens et leurs modèles ont-ils une responsabilité dans la tourmente actuelle ? Auraient-ils dû alerter l'opinion sur la faillite prévisible du subprime ? Les seuls à s'exprimer sur ces questions appartiennent au monde académique. En effet, les mathématiciens financiers qui travaillent dans l'«industrie bancaire», comme les «quants» ou les traders, ne souhaitent pas s'exprimer.
Les professeurs d'université et les chercheurs ne remettent pas en cause la fiabilité des modèles qui gèrent les risques financiers à terme. À leurs yeux, ils sont solides, voire très performants. En revanche, ils se montrent plus circonspects quand les banques les utilisent pour prendre des risques et spéculer. «Les modèles permettent de mieux couvrir les risques financiers standards. Mais comme les gens ont parfois l'impression que le risque a disparu, cela les conduit à explorer des risques variables (nettement plus aléatoires, NDLR)», explique Nicole El Kaouri, professeur à Polytechnique et à l'université Paris-VI. Son master Recherche, probabilités et finance est une pépinière de quants.
«Certains mathématiciens financiers sont horrifiés de l'utilisation qui est faite de leurs modèles», renchérit Stéphane Jaffard, président de la société mathématique de France. Le fossé entre le monde financier et le grand public est aussi volontiers pointé du doigt. «Il faut que les banques consacrent une part de leur budget à mieux expliquer ce qu'elles font, non en “communiquant” mais en informant de façon didactique», estime Nicolas Bouleau, directeur de recherche à l'École nationale des ponts et chaussées.
Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l'IHES (Institut des hautes études scientifiques), va plus loin. Pour lui, l'opacité des banques constitue un obstacle à la recherche sur les finances. «C'est presque un cas exemplaire d'un déficit de recherche fondamentale en comparaison de la masse considérable de recherche finalisée, à la fois par la disproportion du nombre des chercheurs impliqués dans les deux secteurs (mathématique et bancaire), et par la non-disponibilité de données permettant de conduire, à moyen terme, une recherche sérieuse sur le secteur» , estime-t-il. Laurent Lafforgue, professeur à l'Institut des hautes études scientifiques (IHES), médaille Fields 2002, prend de la hauteur : «S'il faut récuser les mathématiques financières, il faut récuser aussi le point de vue exclusivement technique et abstrait qui est au fondement de toute l'économie moderne et même de toute la représentation moderne de lui-même que l'homme s'est forgée .»
Enfin, Antoine Paille, mathématicien, fondateur de la division Option de la Société générale et père des fonds de garantie, s'exprime pour la première fois dans la presse sur la crise actuelle.