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Les mineurs délinquants responsables dès 12 ans
Le contentieux civil confié aux départements. Les mesures éducatives et de protection des mineurs, qui relèvent du contentieux civil, ne seraient plus prises en charge par la justice, mais par les conseils généraux.
JUSTICE.
Les mineurs délinquants responsables dès 12 ans
Incarcération possible plus tôt pour les jeunes accusés de crimes, sanctions plus fermes et tribunaux proches de ceux réservés aux adultes : voici les grandes lignes du nouveau régime, plus dur, que Rachida Dati pourrait instaurer pour les mineurs délinquants.
leparisien.fr | 28.11.2008, 07h00
RAPIDITE accrue des procédures et rapprochement du statut des mineurs de celui des majeurs. La commission sur la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, mise en place le 15 avril dernier et présidée par l’universitaire André Varinard, a achevé hier ses travaux. Elle devrait remettre son rapport à la garde des Sceaux, Rachida Dati, le 3 décembre. Il aura donc fallu moins de huit mois à ses trente-deux membres pour élaborer les grandes lignes de ce que pourrait être le futur « code de la justice pénale des mineurs ».
La responsabilité pénale fixée à 12 ans. Jusqu’à présent, la responsabilité pénale était laissée à l’appréciation du juge chargé d’évaluer lui-même le « discernement » de l’enfant mis en cause. Il n’y avait donc pas d’âge limite pour interroger et juger des mineurs délinquants. Sous la pression de l’Europe et selon les propositions de la commission Varinard, la responsabilité pénale pourrait être désormais fixée à 12 ans, avec des dérogations possibles jusqu’à 10 ans pour les délits graves. « ouze ans, c’est tard, regrette un parquetier spécialisé. Dans certains cas, il est important de pouvoir entendre ou juger un enfant plus tôt. »
L’incarcération des mineurs possible dès 12 ans ? Actuellement, un mineur ne peut être incarcéré, en matière criminelle, qu’à partir de 13 ans. La commission souhaiterait désormais ne rendre possible l’incarcération d’un mineur qu’à partir de 14 ans. Mais elle instituerait une exception en matière criminelle où l’emprisonnement pourrait être ordonné plus tôt, peut-être dès 12 ans.
La majorité pénale maintenue à 18 ans. En cette matière, pas de changement. La majorité pénale c’est à dire le fait d’encourir les mêmes peines que les adultes est maintenue à 18 ans. Cet âge peut néanmoins être abaissé à 16 ans en cas de multirécidive. A partir de 16 ans, l’excuse de minorité (qui divise par deux les peines encourues) continue à pouvoir être remise en cause à la discrétion du magistrat.
De nouveaux tribunaux. Ce que la commission veut changer, c’est le type de tribunal qui jugera ces jeunes. Pour l’ensemble des mineurs ayant commis des infractions simples, la commission Varinard invite à créer un tribunal pour mineurs à juge unique. En cas de récidive, pour les 16-18 ans, ce ne serait plus un tribunal pour enfants, mais un tribunal correctionnel classique doté d’un juge spécialisé, qui pourrait être compétent. « Si cela se confirme, cela constituerait une atteinte gravissime au principe de minorité et à la spécificité de la justice des mineurs », s’alarme un magistrat.
Sanctions plus fermes et délais plus rapides. Pour accélérer les procédures, le procureur devra procéder à un tri dans les dossiers en traitant prioritairement les infractions les plus simples. Pour éviter l’empilement des mesures peu dissuasives, un seuil sera fixé à partir duquel les sanctions devront être graduellement de plus en plus sévères. Si la prison doit rester une « exception », la commission préconise l’extension des centres éducatifs fermés.
Le contentieux civil confié aux départements. Les mesures éducatives et de protection des mineurs, qui relèvent du contentieux civil, ne seraient plus prises en charge par la justice, mais par les conseils généraux.
Ce qui va changer pour la justice des mineurs
Le Figaro Magazine, 28/11/2008 | Mise à jour : 08:34
LE FIGARO MAGAZINE - Création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, fixation à 12 ans de l'âge de la responsabilité pénale... «Le Figaro Magazine» dévoile les principales recommandations de la commission Varinard sur la refondation de l'ordonnance de 1945.
Fixation de l'âge de la responsabilité pénale à 12 ans, déjudiciarisation de la première infraction, instauration d'un avertissement final, création d'un tribunal correctionnel pour mineurs spécialement composé, les conclusions du rapport de la commission Vérinard sur la réforme de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante, que Le Figaro Magazine s'est procurées, devraient relancer la polémique sur la meilleure façon de lutter contre la délinquance des mineurs.
C'est dans le courant de la semaine prochaine que la commission Varinard rendra son rapport à la ministre de la Justice. Rachida Dati s'appuiera sur ses conclusions pour préparer un projet de loi qui devrait être déposé dans le courant de l'année prochaine devant le Parlement. Ainsi, deux ans après son arrivée à l'Elysée, Nicolas Sarkozy aura-t-il mis en place les deux principales promesses de sa campagne présidentielle en matière de lutte contre l'insécurité. Votée en 2007, la loi sur la récidive instaure les fameuses peines planchers et supprime l'excuse de minorité pour les adolescents multirécidivistes. En 2009, la modification de la fameuse ordonnance de 1945 pour les mineurs délinquants.
Les membres de la commission préconisent «l'élaboration d'un code dédié à la justice pénale des mineurs». Ce nouveau code modifierait l'âge de la responsabilité pénale pour le descendre à 12 ans, «âge le plus pertinent, au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile». Pour autant, le rapport prévoit de créer un statut particulier pour l'audition des mineurs de moins de 12 ans. Une sorte de garde à vue de 6 heures renouvelable une fois.
Peines d'emprisonnement de fin de semaine
Pour faire suite à la demande de la ministre d'apporter «une réponse pénale graduée et personnalisée», les membres de la commission prônent un éventail de mesures qui vont de la «déjudiciarisation de la première infraction» à la responsabilisation des parents par la création d'une infraction de non-comparution, enpassant par l'instauration d'un avertissement final à l'issue duquel la saisine du juge des mineurs deviendra obligatoire. Enfin, devrait voir le jour une peine d'emprisonnement de fin de semaine, qui a fait l'objet de vifs débats au sein de la commission, tout comme la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs spécialement composé, compétent notamment pour «les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive».
En installant la commission le 15 avril 2008, Rachida Dati avait insisté sur cette nécessité d'une «refondation» d'un texte déjà modifié plus de 30 fois en soixante ans, entraînant un empilement de dispositifs totalement inadaptés à la délinquance des mineurs en 2008. «La société a changé, les mineurs ont changé. Ils n'ont plus les mêmes repères», avait précisé la garde des Sceaux, qui a l'occasion, avec ce sujet, de revenir sur la scène politique avec un dossier qui ne manquera pas de déclencher des polémiques.
Un projet de loi au Parlement en 2009
Le débat sur la réforme de l'ordonnance de 1945 est en effet récurrent depuis plusieurs années. Nicolas Sarkozy s'était heurté, quand il était ministre de l'Intérieur, à la double opposition d'une partie de la droite et de celle de la gauche. «Je n'ai jamais cru à la stratégie qui consiste à aller pêcher dans les eaux du FN», affirmait Dominique de Villepin en 2006. Le chef du gouvernement, appuyé par son garde des Sceaux Pascal Clément, bloquait les projets de Nicolas Sarkozy qui voulait instaurer les peines planchers et abaisser la majorité pénale. Quant aux socialistes, ils s'opposaient alors, par la voix de Jean-Marc Ayrault, président du groupePS à l'Assemblée nationale, au«concours Lépine des mesures pénales les plus démagogiques à défaut d'être efficaces». Nul doute que les mesures préconisées par le rapport Varinard relanceront la polémique et que les débats au Parlement seront houleux, notamment au sein d'une majorité qui a montré ses velléités d'indépendance et disposera l'année prochaine de ses nouveaux pouvoirs constitutionnels.
Mais si la sécurité n'est plus aujourd'hui la préoccupation numéro un des Français, derrière l'emploi et le pouvoir d'achat, la courbe de la délinquance des mineurs n'a pas suivi la baisse de la délinquance générale. Quand les chiffres globaux montrent une diminution de 3,7 % en 2007, ceux de la délinquance des mineurs continuent à augmenter : + 1 %. Et parmi eux, celle qui augmente le plus est celle des plus jeunes : + 11 % pour les moins de 13 ans, + 10 % pour les 13-16 ans contre + 6 % pour les 16-18 ans.
Les mineurs en prison dès 12 ans ?
France Info - 07:16
C’est la proposition - déjà très polémique - que fait la commission, chargée par la garde des Sceaux de réfléchir à la justice des mineurs - la fameuse ordonnance de 1945 qui stipule que les mineurs doivent faire l’objet d’une justice spécifique.
L’éducation plutôt que la répression : c’était le principe de l’ordonnance du 2 février 1945 "relative à l’enfance délinquante". Un texte remanié plus de quarante fois déjà - la dernière, dans le cadre de la loi sur la récidive de l’an dernier, autorisait que certains mineurs, de 16 à 18 ans, soient jugés comme des adultes.
En avril dernier, la ministre de la Justice avait demandé à une commission de réfléchir à l’avenir de cette ordonnance. Présidée par André Varinard, professeur à l’université de Lyon, celle-ci doit rendre ses préconisations la semaine prochaine.
Et une proposition fait déjà polémique : la responsabilité pénale à 12 ans. Contrairement à une idée reçue, la justice n’a jamais fixé d’âge minimum - c’est au coup par coup que les juges se prononcent actuellement.
12 ans a fait consensus au sein de la commission, même si certains - des policiers - auraient préféré 10 ans. Il serait donc légalement possible de mettre en prison un mineur de 12 ans - au lieu de 13 aujourd’hui. La plupart des pays européens ont, eux, fixé cette responsabilité à 14 ans...
Quant à la majorité pénale, il ne devrait pas y avoir de changement, par rapport à la loi d’août 2007 : la majorité resterait à 18 ans, sauf en cas de multirécidive où, là, elle passerait à 16 ans, mais avec des peines allégées.
Des “dérives inquiétantes”
Avant même que ces propositions soient dévoilées, certains, dans le monde judiciaire, s’inquiètent déjà d’une dérive vers le tout-répressif.
“La répression érigée en principe ne permettra jamais à personne de progresser et d’éviter la récidive, notamment chez les mineurs (...) Tout le monde le sait et pourtant...”, se désole la vice-présidente du tribunal pour enfants auprès du TGI de Strasbourg Claude Doyen.
“Il faut cesser de faire de la répression”, renchérit Georges Sobieski, président de la Fédération des associations réflexion action prison et justice (Farapej). Il fustige une politique pénale qui participe d’une “vision politique conservatrice”.
D’ailleurs, dans un rapport publié la semaine dernière, le Commissaire européen aux droits de l’homme Thomas Hammarberg ne s’était pas privé de critiquer le “durcissement des peines” contre les jeunes délinquants - et avait pointé du doigt les “conditions inacceptables de vie” pour les détenus en France.