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Note statistique de (re)cadrage sur la déliquance des mineurs
En prison à 12 ans ?
Le péril jeune
NouvelObs n°2299, 27 novembre, extrait
Le durcissement de la justice des mineurs est l'une des priorités du gouvernement. Une commission chargée d'y réfléchir propose de pénaliser toujours plus, au détriment des mesures éducatives. Les magistrats s'insurgent. Voici pourquoi
Une adolescente errante. Fugueuse multirécidiviste, paumée. Eh face d'elle, une juge pour enfants qui cherche une place en foyer, là où les éducateurs ont l'expérience d'une jeunesse aussi fragile que difficile. La gamine a pour seul tort de ne pas avoir commis de délit. Il faut trouver un prétexte, pénaliser sa détresse. La situation confine à l'absurde, mais ainsi en est-il depuis la fin du mois d'août. Depuis qu'une circulaire d'orientation budgétaire a restreint la mission des éducateurs de la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) à la seule mise en oeuvre des mesures pénales. Fini les mesures civiles dans le cadre de la protection de l'enfance. La charge en est désormais transférée aux conseils généraux, à l'Aide sociale à l'Enfance (ASE), déjà largement débordée. Résultat : «Dans le Val-de-Marne, par exemple, on se retrouve avec 150 jeunes qui ne sont plus suivis parce que leur profil n'est pas assez délinquant», explique Catherine Sultan, présidente de l'Association française des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille. Aux Mureaux, le service ouvert de la PJJ ne compte plus que quatre éducateurs sur les sept qui l'animaient. «Parce qu'elles n'entrent pas dans un cadre pénal, on laisse tomber des jeunes filles en grossesse précoce ou victimes d'abus sexuels familiaux, raconte Sonia Casai, éducatrice dans le 93. Sur le plan humain, c'est insupportable.» Comme si la justice n'avait plus vocation qu'à s'occuper des mineurs délinquants, en attendant que les autres le deviennent.
Note statistique de (re)cadrage sur la déliquance des mineurs
Publié le novembre 26, 2008 par groupeclaris
Après les récentes déclarations ministérielles sur la délinquance des mineurs et avant la présentation du rapport de la Commission Varinard, une analyse de Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS.
De source CLARIS, extraits
Le 15 avril 2008, la ministre de la Justice, madame Rachida Dati, avait installé officiellement une « Commission chargée de formuler des propositions pour réformer l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante », dite Commission Varinard, qui doit rendre son rapport fin novembre 2008. Lors du discours d’inauguration, la ministre a justifié la création de cette commission par plusieurs arguments. L’un d’entre eux fait aujourd’hui consensus chez tous les professionnels et les observateurs : la nécessité de reconstruire un texte de loi clair et cohérent là où les magistrats utilisent actuellement un texte très compliqué, réformé à une trentaine de reprises depuis 1945. Mais ce « toilettage » ou cette « simplification » est bien loin d’être le seul enjeu de cette nouvelle réforme en préparation. L’on peut même se demander si ce n’est pas un prétexte tant il s’agit surtout de durcir une fois encore le droit pénal des mineurs pour pouvoir condamner plus de jeunes, plus vite, plus tôt dans leur jeunesse et à des peines plus dures. On le sait, tel est l’air du temps depuis la fin des années 1990, et de nombreuses réformes de la justice des mineurs ont déjà eu lieu ces dernières années, qui allaient toutes dans le même sens . Notamment les lois Perben I en 2002 et Perben II en 2004, les deux lois sur la récidive en 2005 et 2007 ou encore la loi sur la prévention de la délinquance de 2007, dont certaines dispositions ne sont même pas encore entrées en vigueur… Pourquoi donc en rajouter encore ? La réponse est elle aussi toujours la même depuis plus de dix ans : la délinquance des mineurs serait un problème toujours plus grave (ce qui amènerait du reste assez logiquement à relativiser l’efficacité des lois). Cette aggravation permanente et continue serait un constat évident, indiscutable, prouvé par les chiffres.
[...] L’ambition de cette étude était modeste. Ni réflexion sur les principes généraux du droit, ni point de vue partisan sur le contenu d’une refonte globale de l’Ordonnance de 1945 régissant le droit pénal des mineurs. Il s’agissait « simplement » ici de soumettre à quelques vérifications le diagnostic sur l’évolution de la délinquance juvénile avancé par les pouvoirs publics pour justifier un nouveau durcissement de l’arsenal pénal. Notre conclusion est que ce diagnostic n’est ni neutre, ni objectif, ni fondé. Il apparaît au contraire totalement orienté, ne rend absolument pas compte de la totalité des éléments de connaissance statistique disponibles, dissimule tout ce qui ne « colle » pas avec la démonstration souhaitée, s’empare de cas exceptionnels en les présentant comme des modèles généraux, et conduit au final à énoncer de telles déformations de la réalité que l’on peut parler dans certains cas de véritables contre-vérités induisant les citoyens en erreur. Nous l’avions déjà montré à l’occasion de la préparation de la loi dite de prévention de la délinquance et des discours de M. Sarkozy alors ministre de l’Intérieur . Mme Dati se prépare à ajouter une énième réforme de la justice des mineurs et tente pour cela de la justifier exactement de la même manière c’est-à-dire en déformant la réalité lorsque les autres arguments ne suffisent plus . Les questions que l’on peut se poser sont dans les deux cas les mêmes : la volonté de réformer l’Ordonnance de 1945 permet-elle de raconter n’importe quoi (sur la délinquance des mineurs) ? Pourquoi nos dirigeants politiques tentent-ils à ce point d’induire en erreur les citoyens ? Quels sont les véritables objectifs de ces propos et de ces lois ? ...