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Derrière les évidences humanitaires
Derrière les évidences humanitaires
Zoé, l’onde de choc
Archives - Septembre 2008 - Le Monde diplo, extrait
La violence des réactions de la presse africaine au « scandale de L’Arche de Zoé » a laissé pantois nombre d’humanitaires occidentaux.
Sorte de « fait social total », l’intervention de l’association française — accusée de tentative d’enlèvement d’enfants sous de faux prétextes humanitaires — a mis en lumière les dérives de la société tchadienne et de son régime ; puis, en cercles excentriques, les ambiguïtés de l’humanitaire et des rapports Nord-Sud. Les premières réactions, viscérales et nationalistes, frisent parfois la xénophobie : on incrimine les dysfonctionnements administratifs ainsi que l’arrogance et le néocolonialisme des « humanitaires » français. Tchadvision s’indigne : « Même pour alimenter un zoo en France avec des animaux de la savane africaine, il faut prévenir les autorités locales pour avoir une autorisation de sortie desdits animaux ! »
La grâce finalement accordée par le président tchadien Idriss Déby Itno aux membres de l’association est interprétée amèrement, dans le genre désespéré des utopies de Jonathan Swift. Ainsi Franck Salin sur Afrik.com : « Le marché aux enfants africains est ouvert : venez, servez-vous, il ne coûte rien, ou si peu, d’enlever de petits Africains. C’est, en somme, le message que vient de délivrer le président tchadien, Idriss Déby. » Selon le même auteur : « Leur comédie et leur fiasco ont porté tort, et gravement, tant à l’adoption internationale, déjà fort en difficulté, qu’à l’action humanitaire, aujourd’hui cible d’attaques et de mises en cause à travers le monde. »
Derrière les évidences humanitaires
A Kinshasa, aventuriers africains et professionnels occidentaux
Archives - Septembre 2008 - Le Monde diplo, extrait
En République démocratique du Congo, les associations humanitaires occidentales disposent d’importants moyens. Mais, à Kinshasa, leurs membres vivent entre eux. Au point de former une microsociété dont la présence dérègle la vie sociale.
Trente enfants du quartier de Ngaba, à Kinshasa, vivent dans un drôle de bidonville, démuni mais sympathique : « classes » de trois mètres sur dix mètres, « dortoir » en mouchoir de poche, le tout recouvert de tôles et meublé de manière artisanale. Deux éducateurs sans formation et une association de quartier, le Centre d’accueil pour enfants et mères démunies, s’en occupent avec un budget de misère... Cela n’empêche pas les ex-orphelins des rues de mener un train d’enfer dans le centre et de jouer si bruyamment que les gosses du quartier, plus misérables encore, aimeraient se joindre à eux...
Quoi de commun entre cette microscopique association, caritative et chrétienne, et les poids lourds de l’humanitaire, très représentés en République démocratique du Congo (RDC) ? Rien, justement, et c’est bien le problème... Pour les grandes organisations non gouvernementales (ONG) occidentales, spécialisées dans l’enfance abandonnée, ces bénévoles locaux sont des « aventuriers de l’humanitaire ». Cette formule paraît pour le moins paradoxale après l’affaire de L’Arche de Zoé (lire « Zoé, l’onde de choc ») et compte tenu de l’histoire du mouvement humanitaire international, sorti du bourbier biafrais dans la plus grande improvisation.
Depuis quelques années, en effet, le milieu humanitaire réagit aux critiques par une fuite en avant dans la technicité, sous la bannière du « professionnalisme ». En France, des « écoles de formation » comme la fameuse Bioforce imposent des cadences infernales à de jeunes recrues forcément « opérationnelles ». Hiérarchisation accrue vis-à-vis du personnel local tenu en lisière et distance encore plus grande par rapport aux sociétés concernées en sont le prix, de l’aveu même des intéressés les plus lucides.