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Le divorce « à la cubaine » ou « condamnés à cohabiter »
NDLR : Les juges et pôles à ces affaires là hésiteront moins à imposer la résidence alternée... « Inscription à l'école du quartier ; jour pair, chambre nord, jour impair, chambre sud ; échange du carnet de correspondance dans la cuisine. » Ou de quoi faire le bonheur des importateurs de roulettes à clouer sous les meubles. Lire Libé du 13 mai, « La famille devient une fin en soin » ou les « rêves » des ados ; pour un aperçu : Une catastrophe ! Voir également Ca fuse au prétoire !... pour quelques liens et ce qui se rapporte à la police des familles.
Le Journal du Dimanche du 17 mai
LA HAVANE (AP), le 3 janvier 2008 - A Cuba, les mariages ne durent pas, mais la cohabitation si. Comme il est beaucoup plus facile de divorcer que de se loger, beaucoup de couples désunis se retrouvent coincés sous le même toit, parfois pour des années, voire jusqu'à ce que la mort les sépare...
Après 21 ans de mariage, Pedro Llera et sa femme Maura ont divorcé en 20 minutes. Mais ce n'était que le début de "plus d'une année de guerre ouverte" pour savoir qui allait garder leur deux-pièces de La Havane. Une bataille juridique pendant laquelle ils ont été obligés de partager l'unique chambre avec leur fille de 14 ans.
"Dans un pays développé, on divorce et l'un va à l'hôtel puis dans une nouvelle maison", estime Pedro Llera, un mécanicien de 60 ans. "Ici, on doit continuer à vivre comme un couple."
La loi empêche les Cubains de vendre leur logement et, l'Etat contrôlant presque tous les biens, les déménagements doivent être approuvés. Les logements sont si rares de toute façon qu'il n'y a souvent nulle part où aller.
Le gouvernement castriste estime depuis longtemps qu'il manque un demi-million de logements dans l'île. En 2006, les autorités ont annoncé la construction de 110.000 maisons, l'un des chiffres annuels les plus importants depuis la révolution menée par Fidel Castro en 1959. Mais les constructions ont été ralenties cette année par le coût des matériaux et les graves inondations provoquées par la tempête tropicale Noël dans l'est de Cuba.
Mirta, 45 ans, s'est séparée de son mari en 1997, après 18 ans de mariage. Le couple a engagé un avocat et signé les papiers du divorce par consentement mutuel. Dix ans plus tard, ils vivent toujours ensemble dans leur deux-pièces près du Malecon, la célèbre promenade du front de mer, avec leurs deux fils, aujourd'hui âgés de 18 et 20 ans.
"On utilise la même cuisine, la même salle de bains. On a des chambres séparées mais l'électricité, le téléphone, le réfrigérateur, il n'y en a qu'un", raconte Mirta. "Si on s'habille, il faut se cacher dans la salle de bain ou la chambre. Il n'y a pas d'intimité."
Elle se dispute souvent avec son ex-époux à propos des factures. A la sortie du travail, ils courent pour être le premier à se servir de la cuisinière pour le dîner. Et les situations embarrassantes ne manquent pas. "Il a eu d'autres femmes, mais il revient toujours dans la même maison", commente Mirta, qui ne veut pas que son nom de famille ou sa profession soient publiés pour que l'on ne sache pas qu'elle s'est plainte publiquement du manque de logements à Cuba.
Selon les derniers chiffres disponibles, en 2006, 56.377 mariages et 35.837 divorces ont été enregistrés à Cuba. C'est un taux annuel de divorce de près de 64% même s'il ne prend pas en compte les mariages et divorces multiples. Etre un enfant de divorcé est devenu la norme. Ce sont ceux dont les parents sont restés ensembles qui vont avoir besoin d'un psy, plaisantent les Cubains.
Les divorces, enregistrés devant des notaires publics, coûtent à peu près le même prix qu'un mariage, à peine plus d'un dollar (moins d'un euro). Beaucoup de divorcés retournent chez leurs parents mais les problèmes surviennent si leurs anciennes chambres sont déjà occupées par des proches et leur progéniture. D'autres continuent de vivre sous le même toit, mais érigent des murs supplémentaires pour délimiter leurs secteurs respectifs.
Compte tenu des restrictions sur le droit à la propriété, le marché noir du troc d'appartements est florissant. Chaque jour, des hommes et des femmes se rassemblent sur un boulevard de La Havane, avec pancartes indiquant par exemple "1x2", c'est-à-dire "échange un appartement contre deux plus petits", souvent à cause d'un divorce.
Au terme d'une longue bataille juridique, Pedro Llera a fini par conserver son appartement. Entre-temps, il avait exigé que son ex-épouse dorme sur le canapé du salon et même appelé la police pour l'y contraindre. Elle a fini par emménager chez des parents, laissant derrière elle toutes ses affaires en signe de protestation.
Aujourd'hui Pedro vit avec une autre femme mais ne compte pas convoler une troisième fois. "C'était une rupture tellement horrible", dit-il. "Je ne veux pas que cela arrive une nouvelle fois."