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Interné de force pendant 27 ans, il fait condamner la France
Dépaysement
Bettencourt: les mystères du transfert à Bordeaux
Par François Koch, publié le 18/11/2010 à 19:03, l'Express, extraits
Beaucoup d'observateurs se demandent à la fois pourquoi le tribunal de Bordeaux a été choisi et pourquoi celui de Paris n'a pas été retenu, malgré les réquisitions du parquet général de la Cour de Cassation.
[...] Bertrand Louvel, président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, a une réputation d'indépendance. Certains disent que le ressort de Paris a été évité pour ne pas mettre l'affaire entre les mains de parquets perçus comme trop proches du pouvoir: Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, et surtout François Faletti, procureur général de la Cour d'appel de Paris. D'autres affirment au contraire, qu'une fleur a été faite à Philippe Courroye, le procureur de Nanterre: si les affaires avaient été renvoyées au tribunal de Paris, il ne pouvait plus être promu dans cette juridiction.
La Cour de cassation a sans doute considéré que le tribunal de Paris est surtout trop proche de... Nanterre. Philippe Courroye et Isabelle Prévost-Desprez étaient en poste à Paris. Les magistrats de la plus haute juridiction judiciaire ont-ils aussi souhaité réduire la pression médiatique nationale? Sans doute un peu. Même s'il y a fort à parier que les médias n'hésiteront pas prendre le TGV pour se rendre à Bordeaux pour suivre les principales audiences.
actu-match | Jeudi 18 Novembre 2010
Interné de force pendant 27 ans, il fait condamner la France
Un homme interné d'office en hôpital psychiatrique depuis 27 ans a fait condamner la France pour détention arbitraire devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Clément Mathieu - Parismatch.com
Après avoir été placé d'office en hôpital psychiatrique depuis 27 ans, Claude Baudoin s’est fait entendre. Cet ancien détenu de 65 ans a fait condamner la France pour détention arbitraire jeudi devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Condamné en 1975 pour assassinat Claude Baudoin a été interné d’officie en 1983 dans une unité pour malades difficiles (UMD) et ce quasiment sans interruption jusqu’à ce jour. Depuis, l'ancien détenu n'a eu de cesse de contester tant la légalité que le bien fondé de la mesure dont il fait l'objet.
L’histoire de Claude Baudoin commence par un crime passionnel. A la sortie un premier séjour en prison pour le vol de voiture à 18 ans, il tue celui qu’il soupçonne être l’amant de sa compagne. Condamné à 20 ans de prison, Baudoin en fait huit avant de se voir accorder une remise de peine. A sa sortie de prison, il est immédiatement transféré à l’UMD de Montfavet dans le Vaucluse, du fait de problèmes psychiatriques et de son comportement violent, rappelle l’arrêt de la CEDH. Claude Baudoin y restera 15 ans. Mais pour lui et ses soutiens, il est victime d’un internement abusif. Comme Claude Baudoin et ses avocats l’ont expliqué à longueur d’audiences, les UMD sont destinés à traiter les troubles mentaux graves, or ses problèmes ne relèvent pas d’une pathologie mentale puisque son dossier médical est vide. Avec l’aide de son comité de soutien et du Groupe Information Asiles, la justice lui donnera raison en 1998. Mais quelques mois plus tard, après un accrochage dans un bar et autre avec son concierge il est de nouveau dans le viseur de la justice qui… l’interne de force à l’UMD de Cadillac, en Gironde. Retour au point de départ.
Dangereux mais pas malade ?
S'il a pu faire annuler tous les arrêtés prononçant puis reconduisant son internement, de 1998 à 2004, pour des vices de forme constatés par le tribunal administratif, il n'a jamais pu obtenir sa liberté devant le tribunal de grande instance de Bordeaux. Car la Justice le considère toujours comme un homme dangereux. La Cour de Strasbourg ne se prononce pas sur le fond mais sur cette contradiction pour constater une violation du droit de toute personne détenue à «introduire un recours devant un tribunal» pour qu'il statue sur la légalité de sa détention. La CEDH «ne peut que constater que les actes successifs fondant la privation de liberté du requérant ont été annulés par les juges administratifs, sans que jamais l'intéressé n'obtienne une décision des tribunaux judiciaires mettant fin à la mesure d'hospitalisation». La juridiction du Conseil de l'Europe estime également que la justice n'a pas statué sur les demandes de remise en liberté du requérant dans le «bref délai» prescrit en la matière par la Convention européenne des droits de l'homme. La procédure la plus courte devant le juge des libertés et de la détention a duré plus de quatre mois.
Claude Baudoin a obtenu 20000 euros en réparation de son dommage moral. Il est actuellement hospitalisé à l’UMD du centre hospitalier spécialisé de Plouguernével, dans les Côtes d'Armor. Il aura ainsi connu en un quart de siècle, trois des quatre UMD que compte la France. Si l’arrêt est susceptible d'appel, et donc d’être cassé, la justice française devra probablement être amené à statuer définitivement sur ses décisions ambiguës.
Société, 28/10/2000 à 05h55, Libé
Un internement psychiatrique «illégal» en Gironde
La Cour européenne des droits de l'homme se penche sur le cas de Claude Baudoin.
NOMI Sophie
Cadillac (Gironde) envoyée spéciale
Claude Baudoin, 50 ans, a passé dix-sept ans de sa vie enfermé en hôpital psychiatrique, dans les unités réservées aux malades difficiles. Ceux qui le soignent le considèrent comme un «homme dangereux». Christian Bernardet, mandataire de la Cour européenne des droits de l'homme, estime que son internement est «illégal» parce que, selon lui, ses problèmes paranoïaques «ne relèvent pas d'une pathologie mentale». Et que «les unités de malades difficiles (UMD) n'ont pas pour fonction d'enfermer les gens dangereux mais de traiter les troubles mentaux graves».
«Emmerdements». Une procédure a été engagée auprès de Bruxelles pour obtenir une révision de son cas. Hier, le mandataire européen s'est rendu à l'UMD de Cadillac, près de Bordeaux, pour rencontrer Claude Baudoin et faire le point sur l'évolution de son dossier. Sa visite, qui se double d'une étude de terrain plus globale sur les centres psychiatriques en France, a fait soupirer le personnel d'encadrement: «Ce sont les emmerdements qui commencent», disait-on à voix basse à son arrivée.
Car Christian Bernardet est connu comme le loup blanc dans les hôpitaux spécialisés. D'abord parce qu'il a longtemps milité au sein du Groupe information asile, très critique vis-à-vis du système français, ensuite parce qu'en 1997, il a obtenu que Bruxelles condamne Paris pour «internement arbitraire» dans un autre dossier. Sa mobilisation pour Claude Baudoin, lui-même considéré comme un redoutable procédurier, annonce donc à Cadillac des «complications administratives multiples». Pourtant, après accord du médecin chef, les infirmiers ont laissé entrer le visiteur, suspendant pour lui un blocus des locaux imposé depuis cinq semaines pour avoir des primes spéciales de risque.
Agressivité. «Sa démarche est intéressante parce qu'elle soulève la question du respect des droits de l'homme, c'est fondamental face aux lieux d'enfermement que sont les UMD, cela ne peut que faire évoluer les choses», explique l'un d'eux. «Nous, quand on pose les mêmes questions, la hiérarchie n'entend pas.» Sur le cas Baudoin même, l'opinion générale de ceux qui s'occupent de lui est que «son internement est totalement justifié» par son agressivité et sa virulence.
Prison. Son histoire ressemble à un mauvais roman. A 18 ans, il tombe pour vol de voiture. A sa sortie de prison, il tue l'amant présumé d'une assistante sociale avec laquelle il avait noué une relation amoureuse. A l'époque, les experts le jugent sain d'esprit, il prend vingt ans. Il en fait douze, bénéficie d'une remise de peine, mais, au lieu de recouvrer la liberté, se voit transféré à l'UMD de Montfavet (Vaucluse), où il restera quinze ans. Son cas mobilise, un comité de soutien finit par obtenir sa sortie, en 1998, sur décision judiciaire. Une bagarre de bar, des relations difficiles avec sa famille, un accrochage musclé avec un concierge, il se retrouve à l'UMD de Cadillac.
«Celui qui le fera sortir prendra une énorme responsabilité», assure le personnel soignant. Christian Bernardet fait du dossier une question de principe, parce que «les droits de Claude Baudoin doivent être respectés». Selon lui, sa place n'est ni en prison, puisqu'il a payé pour son crime, ni en UMD, puisque son cas n'est pas pathologique: «Il reste à trouver une forme d'encadrement adaptée», qui ne contredise pas son droit fondamental à la liberté.