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Un livret pour enseigner la Shoah aux enfants
Du livret, de la contribution de Mme Simone Veil... Aujourd’hui, les choses ont changé et quand je parle de la Shoah à des élèves, et je le fais souvent, je sais qu’ils n’oublieront jamais ce qu’ils auront entendu. Mais que sauront-ils, que croiront-ils quand nous aurons disparu ? Voilà pourquoi l’école est incontestablement le lieu où l’Histoire de la Shoah doit continuer d’être enseignée. Pour quelle raison ? Parce qu’au milieu des combats de la Seconde Guerre mondiale où les morts se comptèrent par millions, six millions d’hommes, de femmes et d’enfants furent assassinés simplement pour être nés « juifs », assassinés dans des conditions dont nous ne pensions pas l’humanité capable. Cette histoire a marqué de façon indélébile l’Europe et la France qui, devançant même les exigences de l’occupant, livra les enfants juifs à la mort et contribua à la réalisation du projet génocidaire nazi.
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Un livret pour enseigner la Shoah aux enfants
leparisien.fr | 05.12.2008, 07h00
LA VISITE de Xavier Darcos au mémorial de la Shoah, ce matin, devrait clore en douceur la cacophonie soulevée par la déclaration de Nicolas Sarkozy il y a huit mois. Lors du dîner annuel du Crif, le président de la République avait émis le souhait que chaque élève de CM 2 s’approprie la mémoire de l’un des 11 400 enfants juifs de France victimes de la Shoah.
Tollé des enseignants, historiens, psychologues, et jusque dans la communauté juive, contre le côté « adoption » compassionnelle, potentiellement traumatisante, imposée à des enfants de 10 ans. En épilogue, le ministre de l’Education va, aujourd’hui, profiter de sa visite et de la rencontre avec deux classes de CM 2 pour dévoiler le livret qui doit aider les enseignants à aborder cette période.
Enseigné en primaire. La Shoah est au programme d’histoire du CM 2… depuis 2002. Très remontés en février, nombre d’instituteurs signalaient qu’ils n’avaient pas attendu le président pour s’y consacrer. Les 40 pages de « Mémoire et histoire de la Shoah à l’école », dont chaque école va recevoir un exemplaire, ne sont toutefois pas de trop, fait-on observer au ministère : « On n’a pas émis de pistes ni de conseils sur le sujet depuis 1990, et encore, elles étaient destinées aux professeurs de lycée. Ceux des écoles ne sont pas forcément spécialistes de l’histoire. »
L’enjeu. Pas question, prévient l’entourage du ministre, d’écorner la liberté pédagogique des enseignants. Tableau de repères chronologiques, carte, bibliographie, textes du cinéaste Claude Lanzmann, de Serge Klarsfeld ou Simone Veil entre autres : le livret est là pour donner des orientations, des pistes, pour que les écoliers aient une première approche du crime contre l’humanité, approfondie en troisième. « Il fallait le faire maintenant : les derniers témoins de cette période, désormais âgés, disparaissent. »
La méthode. Les pistes du livret ministériel, élaboré avec l’aide du mémorial, suivent les recommandations émises en juillet par la commission de réflexion nommée par Xavier Darcos, présidée par l’inspectrice générale et présidente de l’Association de la maison d’Izieu, Hélène Waysbord-Loing. Pas question de parrainage, ni d’approche « morbide » de la Shoah via les camps. Personnalisation et histoire « incarnée », oui : « L’approche par la vie, l’itinéraire d’enfants de cette époque, victimes ou sauvés, est bonne dès lors qu’elle doit servir, au-delà de l’émotion, à construire un savoir historique. » Le livret donne des sites Internet d’associations pour construire un cours accessible. Le tout est consultable dès aujourd’hui sur le portail www.shoah.education.fr.
Polémique sur le fichage selon la couleur de peau
Le Figaro, 05/12/2008 | Mise à jour : 10:02, extraits
Le groupe sur les fichiers mis en place après l'affaire Edvige propose de modifier le classement ethno-racial des délinquants. Michèle Alliot-Marie est très prudente.
[...] Conçu dans les années 1950 comme un outil d'aide à l'enquête par son créateur, l'inspecteur de police marseillais René Canonge, ce registre classait les auteurs d'infractions en quatre critères : «noir, blanc, jaune et arabe». Mais la société a évolué. Informatisé en 1992, Canonge s'est perfectionné dans la description initiale en retenant douze catégories «ethno-raciales», toujours en vigueur : «blanc (Caucasien), Méditerranéen, Gitan, Moyen-Oriental, Nord Africain, Asiatique Eurasien, Amérindien, Indien (Inde), Métis-Mulâtre, Noir, Polynésien, Mélanésien-Canaque».
Mais là encore, la terminologie choque. «Gitan» ne correspond à aucune donnée objective. Et le principe même de la catégorisation par race et origine ethnique met toujours mal à l'aise.
En 2006, après d'âpres discussions, le «groupe fichiers» du ministère de l'Intérieur, déjà présidé par Bauer, avait proposé une légère modification du Canonge, en supprimant notamment le terme «Gitan» et en définissant dix «types», de l'«Européen» au «Maghrébin». La proposition s'est perdue dans les sables.
En 2008, ressuscité par l'affaire Edvige, le «groupe fichiers» revient à la charge. Et, contre toute attente, les propositions les plus iconoclastes ne sont pas venues des membres de l'administration mais des associations antiracistes qui siègent dans ce collège. Avec le représentant des avocats, elles ont proposé d'abandonner les critères raciaux au profit d'une description par la couleur de peau, en reprenant le principe de la «gamme chromatique» utilisée lors de la réalisation des portraits robots. Le représentant de la CNIL a proposé de réfléchir à une combinaison de deux systèmes. Et l'idée a germé d'une expérimentation dans un département. Le tout devait être débattu lundi prochain.
Mais le procès-verbal a «fuité».
Essais
Un pogrom sans fin
Article paru dans l'édition du Monde du 28.11.08, extrait
Le calvaire oublié des rescapés juifs dans la Pologne de 1945
Ultime volet d'un triptyque autobiographique consacré aux années 1939-1946, En Pologne, après la Libération est un document exceptionnel sur « l'impossible survie des rescapés juifs » dans le pays qui abrita les principaux camps d'extermination du IIIe Reich. On y retrouve les mêmes qualités - une curiosité sans limite, un style incisif, une ironie déconcertante - que dans C'était ainsi (éd. Austral, 1995) et La Lutte pour la vie (éd. Honoré Champion, 2005), deux livres qui comptent parmi les témoignages majeurs sur le ghetto de Varsovie, aux côtés de ceux d'Adam Czerniakow, d'Emanuel Ringelblum, d'Abraham Lewin ou de Bernard Goldstein. Un point, toutefois, distingue ce troisième volume des précédents : la tonalité d'ensemble, d'une noirceur sans égale, d'un pessimisme absolu.
De pessimisme, il était difficile d'en trouver la trace dans La Lutte pour la vie. Au contraire. Evoquant la renaissance d'une vie culturelle juive dès les premières semaines de l'après-guerre, Turkov semblait regarder l'avenir avec confiance. Le livre se terminait d'ailleurs sur le récit de ce qu'il qualifiait lui-même de « grand miracle » : les retrouvailles avec sa fille unique, dont il était sans nouvelles depuis de longs mois. « Heureuse fin », concluait-il, sans imaginer alors que le bonheur serait de courte durée.
Car c'est bien une nouvelle descente aux enfers que raconte Turkov dans le troisième tome de ses Mémoires. Président de l'Union des gens de lettres, membre du Comité central des juifs polonais et animateur de la seule émission de radio destinée à la communauté juive, l'auteur de ce reportage effrayant sur la Pologne des années 1945-1946 est un homme très bien renseigné. Aucun des mille tracas qui pourrissent la vie de ses coreligionnaires ne lui échappe : l'impossibilité de recouvrer des biens qui ont été détruits ou spoliés, la quasi-obligation d'adopter un patronyme chrétien pour espérer trouver un travail, et surtout cette peur quotidienne des « hooligans », d'autant plus dangereux qu'ils sont quasiment sûrs de rester impunis...
« Nous étions enfin libres, mais nous n'étions toujours pas assurés d'avoir la vie sauve », explique Turkov dans ce témoignage édifiant sur ce que les politologues qualifieront plus tard d' « antisémitisme sans juifs », pour décrire la prégnance d'une culture de la haine dans des sociétés où les juifs sont pourtant ultraminoritaires.