September 27, 2005

Problèmes sociaux d'envergure, panique et ordre moral


Définition selon un article de Champ Pénal, nouvelle revue française de criminologie
Extrait du résumé et conclusion :

Durant la première moitié des années 1990, les États-Unis traversèrent ce qui peut être appelé une crise liée aux crimes sexuels. Ceci entraîna le passage de législations spécifiques destinées à adresser ce qui était perçu par le public comme un problème social de grande envergure. Durant la seconde moitié des années 1990, l’Europe (principalement l’Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas, la France, et l’Allemagne) se trouva dans la même situation que les États-Unis. Là aussi des législations étaient promulguées, de nature variée, afin de procurer des réponses à la panique du public. Selon une approche sociologique constructionniste, une panique morale prend place lorsque certains types de comportements ou d’individus apparaissent comme posant un extrême danger pour le tissu social. Étant donné que la pédophilie représente symboliquement l’ultime horreur dans la catégorie des crimes sexuels en ce que des enfants en sont les victimes, la présente contribution propose une grille d’analyse constructionniste afin d’estimer l’existence potentielle d’une crise morale liée à ce crime. Cet article pose les bases d’une démarche continue d’analyse du phénomène pédophile selon la grille théorique des paniques morales."

Il est intéressant de voir qu’au delà de notre mémoire immédiate de l’actualité criminelle, la société française s’est vue être précurseur d’une panique morale allant et venant sur les abus sexuels des enfants. C’est le but de cette étude de mettre tous ces faits en parallèle les uns avec les autres, et de les rapporter à la situation présente. Aux grandes affaires des années 1990, ainsi qu’aux affaires plus récentes.
Afin d’analyser de potentielles paniques morales, et comme précisé précédemment, il est important de prendre un certain nombre de facteurs en considération dans une équation complexe. Premièrement, les chiffres réels. Augmentent-ils, diminuent-ils ? Deuxièmement, la source de ces chiffres. Traduisent-ils des changements dans les législations, dans les pratiques sociales, etc. Troisièmement, le rôle des médias. La prévalence des articles couvrant des affaires de pédophilie, la rhétorique utilisée, le nombre d’apparitions dans le texte, etc. Et quatrièmement, la corrélation entre flambée dans les médias, et passages de législations, ainsi que la potentielle influence de lobbys ou encore de situations politiques.
Des questions se posent donc quant à la meilleure méthodologie à appliquer afin d’éviter les biais à la validité : quel parti pris pour une analyse de contenu ? Quelles sources choisir ? Quels mots-clés utiliser ? Et au-delà, bien sûr, ne pas perdre de vue l’horizon menaçant de toute recherche comparative : est-il possible de comparer des pommes et des oranges ?


Définition de la «panique morale» selon Ruwen Ogien :

La panique morale consiste par conséquent en une incohérence : juger moralement le bien personnel alors qu’on a accepté les principes de l’éthique minimale. Ogien distingue quatre types d’incohérence :
  • le refus d’aller jusqu’au bout de nos raisonnements moraux ;

  • la tendance à toujours envisager le pire ;

  • le refus de payer le coût intellectuel de notre engagement envers certains droits ;

  • la tendance à ne pas tenir compte du point de vue des personnes dont on prétend défendre le bien-être.



  • Stygmatiser les minorités et conforter les croyances des conservateurs...

    Radio France Internationale, le 26/09/2005
    Le Vatican s’apprête à publier des recommandations visant à barrer l’accès de la prêtrise aux séminaristes ayant des tendances homosexuelles.
    Extrait :

    Avant même son élection au pontificat, le 19 avril dernier, le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, avait annoncé la couleur. Chargé par Jean-Paul II de rédiger les méditations du chemin de croix du vendredi saint au Colisée, le futur Benoît XVI avait alors tenu des propos très durs sur les mœurs dans l’Église : «Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement. Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toutes parts !». Tout le monde avait alors immédiatement associé cette condamnation au dossier de la pédophilie et aux scandales à répétition qui depuis plusieurs années secouent, et risquent de ruiner, l’Église américaine. Mais de l’avis des spécialistes régulièrement consultés par le Vatican pour tenter de mettre de l’ordre dans ses séminaires, l’homosexualité est aussi devenue un problème majeur. «Même si on ne peut le comparer au fléau de la pédophilie, par son ampleur le problème de l’homosexualité est encore plus vaste», nous confiait l’an passé un des principaux conseillers du Vatican en la matière.


    Pratiquer la discrimination pour ne pas heurter les conservateurs...

    LE MONDE | 27.09.05
    Une campagne publicitaire montrant deux homosexuels qui s'embrassent est interdite de métro parisien
    Extrait :

    Consulté pour avis, au mois de septembre, sur la campagne publicitaire de Rainbow Attitude, le Bureau de vérification de la publicité (BVP) avait, lui aussi, tiqué. "Compte tenu de la nature du média concerné s'imposant à tous ainsi que des lieux de diffusion prévus", il attirait l'attention sur les "réactions que ne manqueront pas de susciter, de la part de la fraction du public la plus attachée aux valeurs traditionnelles, les visuels présentant deux femmes ou deux hommes s'embrassant" .

    Rainbow Attitude tient à sa campagne et a donc remplacé le baiser par de chastes étreintes et des regards langoureux mais elle ne comprend toujours pas l'attitude de Metrobus. "Alors que l'Espagne, après la Belgique, les Pays-Bas et le Canada, a légalisé le mariage homosexuel, la France ne serait pas capable de regarder en face un baiser homosexuel ? se demande-t-elle. En France, devons-nous comprendre que la lutte contre les discriminations implique que les homosexuels doivent rester cachés ?"

    La campagne première version, celle qui met en scène le baiser, ne devrait cependant pas disparaître : après beaucoup d'hésitations, un avis négatif de son comité d'éthique et un premier refus, Insert, la régie qui gère les affiches figurant sur les vitrines, a finalement donné son feu vert. "Leur accord n'a pas été facile à obtenir alors que les espaces publicitaires affichent sans cesse des couples qui s'embrassent, remarque Jean-Paul Chapon, porte-parole de Rainbow Attitude. Ce qui a choqué, cette fois, c'est qu'il s'agisse d'homosexuels."

    L'association a décidé, lundi 26 septembre, de porter plainte pour discriminations contre Metrobus et de saisir la toute nouvelle Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), présidée par l'ancien PDG de Renault, Louis Schweitzer.


    Abuser des craintes et croyances collectives pour violer la constitution...

    Libération, 28 septembre 2005
    Bracelet: le président du Conseil constitutionnel tance Clément

    Il - le président du Conseil constitutionnel - a expliqué à Pascal Clément que «le respect de la Constitution n'était pas un risque, mais un devoir». Son entourage assure qu'il ne s'agit que de défendre l'institution. Certes, mais «c'est la première fois qu'un garde des Sceaux exprime sa défiance vis-à-vis de la Constitution. Il était de notre responsabilité de réagir».

    Il - Pascal Clément, Garde des Sceaux, ministre de la Justice - s'exprimait lundi soir, au sortir d'une rencontre avec des jeunes femmes victimes d'un violeur récidiviste (Libération d'hier), puis sur les ondes de France Info hier matin : «Il y a un risque d'inconstitutionnalité. Les événements récents (deux violeurs récidivistes mis en cause dans de nouvelles affaires en fin de semaine dernière, ndlr) vont me pousser à prendre ce risque, et tous les parlementaires pourront le courir avec moi. Il suffira pour eux de ne pas saisir le Conseil constitutionnel», avait expliqué le garde des Sceaux. Avertissant : «Ceux qui le saisiront prendront sans doute la responsabilité politique et humaine d'empêcher la nouvelle loi de s'appliquer au stock de détenus.»

    ... Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : «Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.» Ce principe consacré par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme fait, à ce titre, partie de la Constitution. (...) Mais la Commission des lois de l'Assemblée a rétabli sa version initiale pour la deuxième lecture, en développant un argument juridique : dans ce cas de figure, le port du bracelet n'est pas une «peine» mais une «mesure de sûreté».

    L'argument mérite examen, estime Guy Carcassonne, professeur de droit, qui note que le Conseil constitutionnel a déjà accepté les inscriptions rétroactives au fichier des délinquants sexuels. Il n'en trouve que plus «ineptes» les déclarations du ministre. «Indignes, aussi, parce que si c'est vraiment anticonstitutionnel, ce chantage témoigne d'une incroyable légèreté de la part de celui qui est en principe le ministre de la Constitution et de l'Etat de droit.» Pour finir, Guy Carcassonne les juge «inopérantes parce que si se pose un problème constitutionnel, ce dont je doute, il se pose aussi face à la Convention européenne des droits de l'homme, et n'importe quel juge pourrait écarter l'application de cette loi, et la France serait condamnée».


    Il s'agirait d'esbrouffe mais le message est passé. Le message est d'ailleurs encore rappellé en conclusion de cette dépèche :

    PARIS (AP), 28 septembre 2005, extraits - M. Clément a assuré mercredi que le port rétroactif du bracelet n'est pas une peine mais une mesure de sûreté non susceptible de recours devant le Conseil constitutionnel. Un des principes fondamentaux du droit est qu'une loi ne peut être rétroactive lorsqu'elle est plus sévère.

    "C'est une mesure de sûreté pour la protéger la société", avait-il assuré un peu plus tôt sur Europe-1, avant de déplorer un débat "typiquement français: on préfère se disputer sur le droit plutôt que de voir ce qui est possible dans l'intérêt de la sécurité publique et des femmes".


    Baptiser et poursuivre l'engagement dans la durée...

    Le Figaro, 29 septembre 2005, L'Eglise catholique note une nette augmentation des demandes de baptême chez les douze - dix-huit ans.

    «Il y a vingt ans, on aurait affirmé que les parents laissaient aux enfants le libre choix. Aujourd'hui, ils se sont éloignés pour une part de la sphère catholique et ne se préoccupent plus de cette question.» Le père Guingand avance [...] l'idée d'un «effet d'entraînement» dans les établissements privés catholiques, souligne aussi que les grands-parents peuvent encore «jouer un rôle».

    «L'identification religieuse est de plus en plus marquée dans notre société. Les jeunes peuvent avoir envie d'appartenir ou de se référer à un courant spirituel, à une communauté», affirme le frère Joseph Court, chargé du catéchuménat des adultes au niveau national. (...) Une occasion pour l'Église de soutenir l'importance du geste posé par ces adolescents et de toucher leurs familles.»

    «Aujourd'hui, explique la responsable des aumôneries de l'enseignement public du diocèse de Paris, il n'y a plus une seule aumônerie qui ne prépare pas des adolescents au baptême.» Le défi consiste ensuite à insérer ces jeunes dans des communautés paroissiales afin de poursuivre cet engagement dans la durée.

    Posted 20 years, 2 months ago on September 27, 2005
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