March 25, 2006

Trois heures de pillages à Saint-Denis

Trois heures de pillages à Saint-Denis
Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)




«UNE HORDE DE SAUVAGES, agressifs au possible, méchants... Ils ont fait irruption dans le magasin, ont renversé les vitrines, l'ordinateur, envoyé promener le minitel dans la rue. Pendant que les uns cassaient les vitres avec des pierres et volaient des bijoux, les autres nous ont pris la caisse en nous menaçant. Ils étaient bien une centaine, entrant et sortant à leur aise pendant une dizaine de minutes. On a eu peur pour nos vies. C'était effrayant, bien pire qu'un braquage. » A quelques mètres de la basilique de Saint-Denis, les casseurs ont laissé, hier matin, la bijouterie Jean Delatour dévastée et ses deux vendeuses traumatisées. De 9 heures à midi, entre 100 et 150 jeunes ont semé la terreur dans un centre-ville en état de siège, fermé aux voitures par les forces de l'ordre. « A l'inverse d'hier (jeudi), aucune manifestation lycéenne n'était prévue et on n'avait pas pris de précaution, expliquent plusieurs commerçants. Et quand on a appelé la police, ils nous ont dit de fermer car ils n'étaient pas assez pour nous protéger. » Policiers et CRS ont passé la matinée à jouer au chat et à la souris avec les casseurs. Ils ont interpellé trois mineurs dont deux ont été déférés hier soir au parquet de Bobigny. Les premières échauffourées ont eu lieu à 9 heures devant le lycée Eluard. Dans ce secteur, quatre policiers ont été blessés, une voiture incendiée et retournée et trois autres dégradées. Un car de touristes qui circulait sur la nationale 1 a été visé par des jets de pierres et, selon des témoins, plusieurs occupants auraient été détroussés. La route a dû être coupée à la circulation pendant trois heures.

« Même pendant les émeutes de novembre, on n'avait pas connu pareille violence »

Deux voitures ont également été incendiées devant le lycée Suger. Mais l'essentiel des incidents s'est déroulé dans les rues piétonnes et commerçantes. Deux autres bijouteries et une boutique de téléphonie ont été saccagées et pillées rue de la République, une dizaine de commerces attaqués rue Gabriel-Péri et autant de voitures dégradées. « Je protégeais soit ma boutique soit ma voiture, soupire le propriétaire d'une Seat aux vitres cassées. Ils m'ont pris mes clés et ma canne antivol pour briser la vitre du magasin voisin. » Le vendeur d'appareils photo en question s'en est tiré avec une vitrine étoilée. « On a juste eu le temps de fermer la porte à clé. Ils étaient des dizaines à donner des coups de pied et de barres, mais on était trois à pousser et les vitres ont résisté. Même pendant les émeutes de novembre, on n'avait pas connu pareille violence. » « C'est un miracle qu'il n'y ait pas plus de dégâts et de blessés un jour de marché », soupire une passante. « Heureusement qu'ils n'ont pas réussi à rentrer chez Carrefour », ajoute un client de l'hypermarché du centre dont les entrées ont été bouclées par les vigiles. A midi, il régnait une ambiance assez surréaliste dans le centre-ville. La plupart des rideaux métalliques étaient baissés, mais nullement informés de cette flambée de violence, les clients continuaient à affluer. En vain. Car la tension était telle que la majorité des commerces n'ont pas rouvert de l'après-midi. Des rumeurs de commissariat assiégé et de lycéen mortellement blessé couraient même dans la ville. Sans fondement.


Eric Bureau

Le Parisien , samedi 25 mars 2006